C'était dans ces moments-là, que je regrettais le plus cette incapacité que j'avais à me détacher des choses auxquelles je m'étais accrochée ces dernières années.
« Le changement. » C'était à croire qu'il me poursuivait. Ce mot qui avait encore eu un impact, car ce jour-là était un jour de déménagement. Un jour de retour de changement qui n'était pas inattendu cependant.
C'était fou comme on faisait plus attention aux détails quand on retirait tout. Lorsque tout changeait. Et très vite, on se rendait compte que cette pièce n'avait finalement rien de si spécial. Elle nous devenait très vite étrangère, comme si on ne l'avait jamais connu ni habité. Peut-être ne l'avais-je jamais connu, cette chambre. Cette chambre qui n'avait aujourd'hui plus du tout la même tête depuis que je l'avais dépouillé de tous ses biens pour les ranger dans ces cartons. Le temps et les souvenirs étaient des choses éphémères.
J'avais dû passer une grande partie de la nuit à recompter les plissures du papier peint et les lignes du parquet. Le stress et l'appréhension me rongeaient de l'intérieur et à la folie, c'était horrible. Une envie monstre me prit de hurler, mais je ne le fis pas. Katarina devait garder l'infime dernière illusion que j'allais bien. Que rien n'allait mal et qu'elle pouvait partir l'esprit tranquille.
Je me suis retournée et j'ai plongé ma tête dans l'oreiller quelques instants avant de la redresser épuisée. Je me saisis de mon portable —mon réveil ne sonnerait pas. Je ne l'ai pas programmé la veille, car j'avais déjà anticipé la nuit blanche que j'ai effectivement passée, il n'arrivait pas une nuit ces derniers temps où je n'allais pas dans les extrêmes : de l'insomnie au coma le plus total.
Mon portable déverrouillé, je vis qu'il était six heures, les aurores étaient déjà passées. Avant de décider de me lever, je soufflais à la vue des quarante pour cent restants de batterie. Je ne tiendrai pas la journée...
— Valentina !
Du bout du couloir, j'entendis mi tía (ma tante) Katarina m'appeler alors que la porte d'entrée retentissait signalant le départ de Pamela en direction de la voiture. Je me levais ainsi d'une humeur maussade. Aujourd'hui, Katarina devait retourner à Porto Rico avec Pamela. Je ne les reverrai plus.
— Valentina ! Recommença Katarina plus fort. Lève-toi !
Elle était stressée. Je pouvais d'ici entendre la poêle frire, les portes des placards retentirent tour à tour et ses talons claquer sur le parquet de la maison. Je passais une main dans mes cheveux noirs épuisée, et me redressais sur mon lit pour observer la chambre quelques minutes avant de me diriger vers mon placard. Il était bien trop tôt.
— Je suis debout !
Katarina ne répondit pas probablement occupée à manger, crier et ranger en même temps. Je n'attendis pas une manifestation de sa part et fouillais dans l'armoire pour y trouver quelques vêtements potables, car j'avais déjà pris une douche un peu plus tôt.
Finalement, un haut noir et un cargo atteignirent mes mains alors, je me dépêchais de les enfiler en marchant descendant les escaliers pour rejoindre ma tante. Elle n'était pas patiente et partirait bientôt si je ne me montrais pas bientôt. Je voulais pourtant la voir une dernière fois.
— Tu es là, souffla-t-elle un air ennuyé, tu prends ton temps décidément. Mange si tu peux, nous, on part dans huit minutes.
Elle cessa un instant d'écrire, de manger, de ranger et me regarda un grand sourire aux lèvres que je savais en réalité angoissé.
— C'est un nouveau départ pour nous, Valentina.
Maintenant, que je la voyais sourire, je me rendais compte que le temps était passé et du lointain souvenir de son dernier sourire. Katarina avait plus de rides et elle avait l'air fatiguée. Aussi, bien que, dans ma fierté, je ne le veuille pas, je ressentis toutefois envers elle une bouffée de joie qui prit d'assaut. Elle allait bientôt pouvoir respirer comme elle y avait toujours aspiré. Je m'efforçais pourtant de l'étouffer, car je n'avais toujours pas digéré leur trahison : elles m'abandonnaient.
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HYDRA - the torn souls
Mystery / ThrillerAu croisement de leurs âmes, là où leurs cœurs se sont égarés. « Étouffer. Noyer. Tuer. » C'est ainsi que pourrait décrire la relation auquel met fin Valentina Mahon. Et ce n'était pas elle la victime de la tragédie. Mais désormais il est tro...