Chapitre 5

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       Je me garais juste devant la moto et laissais tomber mon sac. Je retins ma respiration quelques secondes et pris le temps de regarder la petite demeure qui me faisait face.

Avant de venir, ici j'avais misé sur ma chance pour tomber sur un jour Major n'était pas chez lui. Si après tant d'années il n'avait pas changé, il y aurait forcément des jours où il ne serait pas chez lui.

J'avançais vers la porte et lança un rapide regards aux lierres fleuris qui grimpaient sur les murs. À l'époque, Major et moi habitions à l'écart du centre-ville près de la forêt. C'était pratique pour ses affaires et pratique pour m'évader. Aujourd'hui cet endroit n'avait absolument pas changé, pas du moindre pouce si ce n'était que les lierres avaient grandis.

— Cette maison est toujours aussi pourrie qu'avant, je me mentis.

J'ai réellement sous-estimé le stresse que je ressentais en me tenant face à cette porte. En vérité, je ne savais pas si ce que je ressentais était du stress, de l'appréhension ou un autre sentiment, car cela faisait longtemps que je me confortais dans mon bien-être personnel, sans risquer ce genre de chose. Ça faisait tellement longtemps que je n'étais pas venue ici que je ne savais plus comment réagir rien que devant une porte.

À l'époque, je n'avais pas gardé le numéro de portable de Major, et je ne l'avais pas non plus demandé à Katarina. Je ne l'ai donc pas prévenu de mon arrivée, enfin je n'ai pas pu. C'est pour cela de toute manière que j'ai décidé d'arriver un jour, où il ne serait pas à la maison. Je ne comptais pas l'appeler et lui dire du jour au lendemain que je vivrais chez lui alors même que nous nous parlions plus. C'était franchement ridicule. Et comment aurais-je dû l'appeler d'ailleurs ? « Papa ? Major ? » Mon père s'appelait Álvaro Major Mahon IVe du nom. Une vieille coutume de la famille Mahon qui consistait à donner la partie Álvaro en plus du nom de famille Mahon au nom du garçon suivant, ce qui faisait que son prénom à lui était Major. Il avait d'ailleurs tellement détesté cette tradition qu'il avait seulement appelé mon grand frère Luis, bien que ma mère l'ait aussi appelé Asher. Il voulait lui donner une « identité rien qu'à lui ». Et à ce moment-là j'avais du mal à dire si Luis avait vraiment réussi à se démarquer des autres hommes de la famille.

Je me décidais finalement à inspirer un grand coup, rehausser la bandoulière de mon sac sur mon épaule et saisir la poignée fermement. Et comme je l'avais pensée, la porte n'était pas fermée, comme avant. Ce que je vis d'ailleurs me ramena définitivement les pieds sur terre.

L'intérieur puait l'essence et la cigarette. C'était sale et désordonné. Je devinais que ses amis devaient récemment être passés par là. Il ne les avait donc pas lâchés, il continuait. Évidemment, pensais-je avec amertume. Rien n'avait changé. Définitivement.

J'étais fatiguée et l'envie de me poser sur le canapé et piquer un somme était plus tentante que de rester en colère, mais celui de retrouver ma chambre le fut encore plus. La chambre que j'occupais jusqu'à mes seize, dix-sept ans, était à l'étage, juste en face de celle de Luis.

Quand j'entrais dans ma chambre, je ressentis un sentiment de retour, un frisson me parcouru. Elle me fut si familière tout en ne l'étant pas. Le plancher ne grinçait pas à l'époque, pas plus que dès lors. Il y avait toujours les rideaux noirs, les innombrables affiches et stickers qui recouvrait les murs de ma chambre. La table de nuit et le cousin rouge au sol à droite de mon lit —près de la fenêtre— au fond de la chambre, le bureau à gauche de mon lit et la petite plante morte. Les fils et les manteaux qui pendouillaient et trainaient de partout étaient toujours présents. Mon tourne-disque préféré aussi. Rien n'avait changé, rien n'avait été touché, et dans un sens, ce fut presque déprimant.

HYDRA - the torn soulsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant