L'étincelant Hector s'élance à l'intérieur. Son visage est semblable à la rapide nuit. Il brille de l'éclat terrible de l'airain qui lui couvre le corps; ses mains tiennent deux lances. Personne sauf un dieu n'oserait l'affronter quand il franchit la porte. Un feu brûle en ses yeux.
Chant XII, Iliade, Homere
Je pensais que mes pensées m'assailliraient, debout sur leurs chars, lancés acérées à la main, me persécutant sur les champs de bataille. Pourtant je réussis à dormir, je réussis à me reposer.
Hypnos, père de Morphée, m'avait accepté de ses bras paternels. Je m'étais appuyé contre son torse, reniflant, enfant terrifié, je m'étais laissé emporté au gré du Styx, son visage trouble m'avait rappelé Thanatos, j'avais vu le visage de la mort mais je m'étais laissé faire, visage rouge et or de peur et de mort.
Idiot Sisyphien, j'y suis retourné. Il m'avait appelé, tard, voix brisée, sanglots entrecoupés, il avait murmuré des excuses, des mots doux, et j'avais pris ma pierre et entamé ma route. Pauvre idiot qui n'apprend rien, j'étais retourné au café, perdu dans les brumes citadines, imprudent Atride, je m'étais jeté vers le loup, chaperon rouge sur la tête, eye-liner taché esquissé sur mes paupières, orbites flottant dans le système solaire, étoiles éteintes explosant dans les galaxies.
Le café devant lui était double. Il me tendit une tasse, fumée violacée voletant vers le ciel, féerique, sorcière évaporée. Je la pris, mains tremblantes, et je vis son sourire mielleux, ses yeux d'ambroisie, voix ruche, abeilles dans les cheveux. Aujourd'hui il était Apollon, ensoleillé, cernes déblayées, sourire non plus carnassier mais princier. Je le regardais, sentant mon cœur dans ma gorge, sur ma
manche, mes yeux écarquillés pour mieux l'absorber.« T'as l'air fatigué. »
Je souris.
« J'ai mal dormi. »
Rentré dans mon immeuble, sourire dessiné sur mes lèvres, je me dirigeais vers ma boîte aux lettres, faisant semblant de ne pas être conscient du vide dont elle faisait preuve. Quelques boîtes plus loin, un homme corpulent, héros troyen, tignasse de lion orangée. Hector.
Je baissais les yeux, je ne voulais pas croiser sa bonne humeur, il me sortait par les yeux, son bonheur qui exacerbait ma souffrance. Même heureux mon bonheur ne lui arrivait pas à la cheville, mon Idéal baudelairien signifiait rien, j'étais néant et si lent.
Il sortit un paquet rectangulaire de sa boîte, paquet en forme de livre. Une pousse de jalousie se planta au creux de mon estomac, pétales d'envie, racines de haine. Je voulais lire, je voulais toucher son ouvrage, je voulais redevenir l'adorateur de livre que j'avais été, je ne voulais plus adorer Hélios et le vide qu'il m'apportait.
Mon voisin, symbole de tout ce que je n'étais pas, me sourit, hocha la tête pour me dire bonjour, puis s'en fut. Héros éphémère. Il disparut et avec lui l'espoir.
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Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel