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Elle est douce, la terre, aux vœux des naufragés, dont Poseidon en mer, sous l'assaut de la vague et du vent, a brisé le solide navire.

Hélios n'appelle plus.

Le vent était puissant, houleux, respiration divine marquée par l'agacement. A Olympe, les dieux se battent. Le navire va-t-il quitter le port?

Assis près du téléphone, j'attendais. Rien ne vient. Alors j'ai commis l'impensable. Je me suis autorisé à vivre. Je suis allé en cours, et j'ai écouté les paroles acidulées de mes
professeurs, prenant des notes, pattes de mouches, noircissant les feuilles de mes pensées. Les journées se sont égrenées. Une semaine était passée.

Une semaine sans soleil, c'était quelque chose de violent. Comment décrire une telle douleur? Affliction théâtrale du Grec ancestral. Dessins
rouges sur le destin, Parques qui te rient aux nez, coussins éventrés et papiers déchirés. Sans lui je meurs de froid, je cristallise, mon corps devient bonhomme de neige, flocons de crainte et de désarroi. Mon coeur, glacial, se brise sous les coups de minuit, Cendrillon enneigée, je peine à respirer, poumons piégés, enchaînés.

Quand je rentrais de cours, je le croisais. Ça en devenait systématique. Figure de mon vide-atroce, je le voyais, gerbera fleurie, tournesol ébahi, j'avais envie de lui arracher ses racines. Hector. Il continuait de me sourire, parfois même il me demandait comment j'allais. Aux moments où je commençais enfin à le supporter, arrivaient ses amis qui me mettaient nez à nez avec ma solitude.
Poète maudit, je m'enfermais dans ma chambre, perdus en jérémiades, plaignant le bonheur déchu que j'avais troqué pour du malheur, tout ça pour un érudit qu'avait tenu mon Baudelaire.

Mon labyrinthe se resserre. J'étouffais avant mais maintenant je meurs à petit feu, le Minotaure m'a retrouvé et sa langue rosée pointe d'entre ses dents jaunes, carpe diem, menace à demie-voilée.

Mes écrits flambent tout comme moi, je ne supporte plus rien, je voudrais m'arracher a cette enveloppe exécrablement petite, je me sens réduit, l'air ne passe plus, je me noie dans un océan bousculé par la colère des dieux, Poseidon hurle dans mes oreilles, le chant des sirènes finit de me détruire, douleur et peur s'emmêlent. Mes doigts de pieds touchent le fond, je ne peux plus remonter, poids lourd, je coule, je fonds, je brûle.

Enfin, miracle, les notes de l'Espoir montent dans les ténèbres, je vois la porte des Enfers, cette fois, Orphée sauvera Eurydice. Le soleil m'appelle, rayons dorées, je la vois, cette maudite sortie, je cours, et je me retourne vers ma bien-aimée.

Tu es invité à mon mariage. Costards-cravates. Confirme bientôt s'te plaît, on doit faire le tri.

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant