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- Patrocle ! Attends ! Je suis là

Il m'avait appelé, encore, comme toujours. Un instant de bonheur signifiait toujours des brûlures, je volais trop près du soleil, je cherchais les problèmes, c'était de ma faute.

" Thomas! Attend, s'il te plait!"

J'étais venu en pleine nuit. Il m'avait appelé depuis son nouvel appartement, j'y avais jamais foutu les pieds avant maintenant, j'étais venu à sa demande jusqu'à ce qu'il me rejette, Zeus honteux, dans les flaques boueuses.

" J'veux pas te voir!"

Colère. Colère incandescente, colère foudroyante, je devenais Zeus, je maniais les éclairs, je voulais qu'il subisse ma foudre.

" Qu'est ce que tu fous, Thomas? Tu m'appelles, en pleine nuit, avant de me jeter comme une vieille chaussette sale! Tu me fais venir à des heures scandaleuses, tu me réveilles, tu me mènes par le bout du nez jusqu'au bout du monde, tu m'entraînes dans les Enfers, tu me jettes ta vie de merde en pleine face comme une accusation, puis tu me parles comme à ton chien! Je suis pas une bête de foire que tu peux manipuler pour ton contentement, bordel!"

Miel fixé sur moi comme une toile d'araignée.

" J'en peux plus de ça! J'en peux plus de toi! J'en peux plus de ces appels qui viennent dès que je commence à passer à autre chose! Tu sais ce que tu fais, tu connais la douleur que tu me fais ressentir, tu sais que tu ne fais que prolonger un espoir que je ne veux même pas garder. Je ne vais pas t'attendre, Tom, je ne suis pas ton toutou, je ne t'aime plus, je te déteste, je te déteste de toute mon âme, je t'haine. Je te portais dans mon coeur, j'avais de l'estime pour toi, tu étais un souvenir idéalisé que je voulais garder, j'avais si peur de te perdre que j'en perdais du sommeil, tu t'es cassé quand même et maintenant tu décides que ta vie de merde t'ennuies alors tu viens jouer avec ta marionnette préférée. Je suis plus ton putain de Pinocchio. Dégage."

Miel qui fond au soleil. Ambroisie qui coule sur le marbre.

" Tu peux me faire le numéro des larmes, des cris, de la déchirure de ton coeur de pierre. Je viendrais plus."

Marbre qui se fend.

" Achille..."

" Je ne veux plus entendre parler de toi. Je ne veux pas être là à ton marriage de merde, je veux pas rencontrer ton fiancé de merde, je veux pas entendre parler de ton bonheur de merde— si factice, en plus. Tu n'es jamais heureux. Tu aimes beaucoup trop ton malheur pour l'être. Tu aimes beaucoup trop faire souffrir les autres pour être heureux."

Je le regardais, la haine vibrant dans mes veines.

" Tu as toujours été quelqu'un de mauvais. Je pensais que tu étais mon Patrocle, je pensais que tu étais mon soleil, que tu étais mon univers. J'étais un poète aveuglé par la beauté de l'art que tu représentait, aveuglé par les poèmes et les mots que tu maniais si bien. Tu savais transfigurer la pire des atrocités en un monde magique, et tu l'utilisais contre moi."

Je le voyais se fissurer.

" Je ne t'ai jamais rien refuser. J'ai toujours tout fait pour toi, je me suis plié en quatre, en cinq, en six, en quinze, je me suis réduit à néant, je me suis détruit et explosé et je me suis tué pour que tu soies heureux et jamais cela ne suffisait. Jamais je n'ai fait quoi que se soit pour te mériter, j'ai juste eu le malheur d'être là, fragile, innocent, près de toi, monstre doré."

Le marbre éclatait à présent, ruines de l'art antique.

" Je ne veux plus vivre pour toi. Je ne veux plus me battre pour toi."

Je ne veux plus être Icare.

" Arrête de m'appeler. Arrête de m'utiliser alors que pauvre Freddie est juste là, endormi près de toi."

Sa mâchoire se contractait alors.

" Je ne-"

" Et arrête de te justifier. Je sais qui tu es."





Mon âme était éventrée, mon coeur en miettes, mais j'avais réussi. Je m'étais débarrassé de mon astre désastreux. J'étais déchiré en deux.

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant