La valse des saisons à laisser place à un gris si épais qu'il m'en coupe la respiration. La fumée me pèse sur les poumons comme une brique de ciment sur le torse. Je suis entouré de bras soleils qui ne suffisent à m'épargner la douleur que me procure ce nuage de pollution qui m'engloutit comme un monstre affamé.
En vain Hector a tenté de me rassurer.
De me dire qu'il allait revenir.
De me dire qu'il était là.
De me dire que ça se trouve, j'avais mal compris.
Je savais qu'il mentait pour mon bénéfice, pour mon bien être, je savais qu'il ne savait comment m'aider à gérer une nouvelle fois cette douleur qui pénétrait mes os, qui réduisait en cendres mon âme. Comment pouvais-je survivre le départ de mon Patrocle une seconde fois? Comment me relèverai-je après une chose pareille?
J'étais dévasté, une coquille biscornue, un sac de farine éventré. J'avais l'impression d'être une esquisse de moi même, l'ombre de mon être, moins que moi mais plus que rien.Etre que néant aurait plus supportable que cela.
Hector m'a proposé à manger, à boire, à fumer.
Il m'a donné son coeur sur une assiette pour que je puisse ruminer autre chose que mes peines.
Il m'a offert ses bras dans un bol pour que je puisse me retrouver ailleurs que seul, grelottant à même le sol dans un appartement qui portait le nom d'un autre.
Il m'a gracié de ses sourires, de ses mots doux, il a placé au second plan sa haine de mon être afin de m'empêcher de sombrer.
J'me suis morfondu dans ses bras sans scrupules, je ne savais plus être humain, j'avais oublié la courtoisie. J'me suis morfondu dans ses bras immenses, me sentant plus minuscule que jamais. J'ai fumé, j'ai bu, j'ai mangé en tentant en vain de pas recracher mon coeur écrasé sur son parquet bien lavé.
Il me laissait errer en silence sans rien dire, sans jamais rien me reprocher. Les semaines sont passées et je ne suis pas retourné à l'appartement, je ne pouvais pas y faire face. A la place je l'envoyais, nez dans l'endroit qui puait celui qui m'avait volé à lui, pour qu'il le nettoie de temps à autre. Je suis resté des semaines sous son aile comme un poussin apeuré, j'ai profité de ce qu'il m'offrait.
Je n'avais pas le temps de me sentir tâche, lâche.
Je n'avais pas le temps de voir à quel moins j'étais vache.
A quel point je lui crachais à la gueule, en le traitant comme un ami lui qui me voyait comme un amour.
A quel point j'étais un monstre.
Comme je l'avais toujours été.
Je ne pouvais plus effacer à mes vices. Rapidement le miroir redevint mon pire ennemi. J'y voyais le monstre sanguinolent qui détruisais tout autour de lui. Alors j'ai arrêté de me regarder, j'me suis laissé me dégrader, tout plutôt que de laisser vivre cette ignoble être.
Hector me laissait faire. Il me laissait écrire sur des brins de feuille, il me laissait pourrir dans son lit, il me laissait me vider de mon âme dans ses draps. Sans jamais me toucher, peut être par peur de me briser.
J'me suis surpris à vouloir qu'il me touche.
Moi qui n'attendais que Thomas.
Moi qui aimais éperdument un être las.
Moi qui étais une merde, un monstre, une horreur.
Je voulais qu'il me touche comme Tom me touchait, avec cette sensualité à en faire brûler les draps.Mais je n'ai pas osé demander.
Je ne pouvais pas demander une chose pareille.
Moi qui avait trahi son âme, briser son coeur,
Moi qui n'était qu'un monstre vide et sans rancoeur,
Moi qui ne regrettait rien, sauf mon existence
Je ne pouvais pas demander ses mains quand je ne pouvais donner pitanceJ'me répugnais moi même
A exister,
A penser,
J'me voyais monstre irrémédiable, pourtant délaissé
J'me suis amusé à l'observer,
Nu sous les étoiles
J'me suis amusé à compter les tâches de rousseur qui maculaient son torse, comme une toileJ'attendais les mains dorées de mon bourreau
Sa hache sur mon crâne
J'attendais les mains blanches de mon tyran
Sa lame sur mon âmePourtant je réclamais celles d'un doux archer
Qui méritait plus qu'un berger éméchéMa tête était sans queue ni tête,
Sens perdu dans le sans dessus dessous de ma crête
J'étais montagne, oeuf dur et chaud et il était fermier
J'attendais comme une roche pointue sa douce craieJe lâchais mots sans réfléchir,
Poète fatigué
Je m'armais d'une patience sans fléchir,
Ame éreintéeAlors j'ai entendu des mots,
Aussi frais qu'un olivier
Et il m'a embrassé, sous le plus beau rosierSes lèvres avaient le gout de la flamme ocre de la bougie
Ses doigts la texture cireuse d'un chandelier rabougri
Son corps contre le mien formait un renouveau fourmillant
Sa bouche contre ma peau me fit flamber, renouveauJe l'ai laissé me toucher là où ma peau a brûlé
Puis j'me suis mis à pleurer
Poète éreinté
VOUS LISEZ
Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel