Patrocle a toujours été celui qui, bronze poli, aime, de toute son âme, de toute sa chair, qui aime à n'en plus respirer, qui aime à n'en plus expirer, qui aime à s'en liquéfier les os, effacer le pouls, exploser le cœur.
Hector, mon Patrocle, aimait de la sorte. Il m'aimait avec la ferveur d'un adorateur, il m'aimait les yeux brillants- il m'aime, au présent. Il aime avec les yeux étoiles, il m'aime avec des papillons posés sur son nez, il m'aime avec le sourire, avec les larmes, il m'aime avec la haine et la joie d'un enfant adorable. Il m'aime comme le chérubin qu'il est, il m'aime avec l'innocence de celui qui n'a jamais eu le temps de dépasser dix-sept ans sans devoir grandir. Il m'aime comme un adulte, il m'aime comme un sage, alors que je suis encore instablement jeune. Il m'aime avec patience. Il m'aime avec le doré de la brioche et le sucré du miel.Il m'aime avec la douceur de la fraise et l'acide de la pomme. Il m'aime rond, il m'aime carré, il m'aime triangle. Il m'aime avec toute son âme.
Notre appartement est chaud. Rond. Petit, mais aimant. Il semble ondoyer, chatoyer sous les rayons de notre bonheur.
Hector fait souvent à manger. Athena l'aide, quand elle n'est pas pendue au bras de Roman. La maison paraît vide sans son humeur taciturne. Elle parait vide sans mon angoisse gigantesque, sans ma boule au ventre, sans ma peur grotesque. Elle se remplit, parfois. Pour le meilleur et pour le pire.
J'ai l'impression de n'être plus qu'une version bâclée de moi même. Mes pensées ne se terminent pas, ma description est amorphe, je suis disjoint, saugrenu, mes cheveux sont à nouveau trop longs, mes yeux à nouveau des orbites excessivement ronds, mes mains osseuses excessivement squelettiques, mon corps biscornu, mon nez distordu. Je suis une esquisse, un croquis un peu effacé par la manche d'un dessinateur trop occupé. Le café perle sur ma feuille, je m'efface sous le marron évasé.
Je ne suis rien, sauf le copain d'un mec ensoleillé. Et ça me donne envie de pleurer. Je n'ai plus d'identité. Mais ça n'est pas de sa faute. Mon identité a toujours dépendu des soleils. D'Helios. Des astres qui brillaient plus que moi, qui prenaient la place que je n'osais prendre dans le monde. A force, je suis devenu une ombre. Maintenant, je dois devenir d'os et de chair.
Immonde.
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Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel