" Comment ça tu ne peux plus?"

" Réponds moi."

" S'il te plaît."


Tel Icare, j'ai volé trop près du soleil. Mes ailes ont pris feu, s'embrasant dans les airs, l'odeur cancéreuse des plumes flamboyant emplissant mes poumons. Battant des bras, idiot sans espoir, je regarde les flammes lécher ma peau, mordiller ma chair, avaler mes os, je la vois me couvrir d'étincelles, roti, noirci par les flammes, je chute, tête la première, droit vers l'Ocean, le dos hérissé de poils, le coeur dans la gorge, l'estomac retourné, tandis que Dédale, plié en deux, me regarde, yeux moqueurs, écarquillés, sourire narquois, barbe de trois jours. Pas de parachute pour moi, pauvre idiot. Je suis Sisyphe, je suis Icare, je suis ignare.

Maintenant, larmes séchées au coin de mes yeux ovales, j'attend que mon réveil m'annonce que je ne rêve pas, que je suis réveillé, que l'enfer émotionnel que je vis est bien réel. La fatigue omniprésente dans mes membres, je me lève, sentant tous mes os craquer. Je suis squelette, je suis ombre distendue, distordue, je suis le monstre qu'on préfère ignorer, bien lové sous leur lit.

La lumière de la salle de bain de notre appartement vide m'agresse les yeux. Mon reflet m'agresse, une énième dague dans le coeur. Je suis étrange. Mes proportions sont étranges. J'ai les cheveux trop longs, encore, c'est comme une boucle sans fin. Des valises violacées siègent sous mes yeux. Deux orbites noirs au fond d'un puit de blanc. J'ai l'air d'un extraterrestre. Un visage trop fin, trop anguleux. Des épaules frêles. Un corps en bâton, qui flotte dans la chemise entrouverte de Thomas. J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal.

Reviens.

Je ne peux plus. C'est ça qu'il a dit. Rien d'autre. J'attends, j'attends qu'il précise ce que ça signifie, j'attend qu'il me dise que c'était l'alcool, que c'était une boutade, j'attend qu'il revienne de chez Fred pour l'assaillir de ma douleur.

Reviens.

Pourquoi ne répond-il pas? Ne répond-il plus? J'ai mal rien qu'à l'idée de l'attendre, ne serait-ce qu'une minute de plus. Pourquoi est-ce-que je ne peux pas aimer sans douleur? Pourquoi est ce que tout doit être si difficile, si compliqué, si hargneux, si épineux, si destructeur? Pourquoi ne puis-je aimer sans souffrir?

Je n'arrive pas à lui en vouloir. En partie parce que je suis toujours persuadé qu'il va arriver, m'embrasser, me tenir contre lui, en partie parce que je crois qu'il m'aime, en partie parce que je l'aime et que c'est inconcevable de perdre à nouveau mon soleil, mon astre, mon âme. Je ne peux pas revivre ça, je ne survivrais pas.

Je n'arrive pas à ressentir autre chose que du vide. Je suis creux, je suis anxieux, je suis à vide. Je n'avance pas, je suis assis à même le sol et je ne ressens ni le froid ni l'inconfort. Les larmes sèchent sur mes joues comme des carcasses, je suis un naufragé qui flotte dans l'eau salée. Je suis rien, je suis rien, je suis rien que du vide, rien que du néant. Néantissime. C'est tout ce que je suis.

J'attend qu'il rentre.

Je l'attend comme on attend la fin du monde. J'ai peur, je n'arrive pas à le concevoir, à le matérialiser dans mon esprit.

Je suis Apocalypse.

Je me meurs.

Reviens.

Je ne sais pas ce que je fais. Je pleure. Je marche. Je suis devant chez lui, lui qui me déteste. Il me voit, me laisse entrer. Je m'effondre contre lui. Il me laisse pleurer sur son polo jaune. Hector.

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant