Il est tard et je ne devrais pas être là. Si j'étais honnête avec moi même je sais que je ne devrais jamais être là. Chez lui. C'est un rayon de soleil qui sait aimer et qui est sain. Un homme debout sur ses pattes. Un être entier. Et moi je suis quoi: un bout de miroir fracassé? Une brindille rongée par un écureuil enragé? Je ne suis qu'une effluve d'humain, je mérite à grand peine ma place dans le même espace qu'un être aussi bruyamment chaleureux, aussi éminemment heureux. Il est tard et je ne devrais pas être là, mais il fait chaud et il m'a proposé à boire et j'ai soif et j'ai pas envie de rentrer chez moi. Il est tard et je ne devrais pas être là mais on a regardé un film, une bonne grosse merde comme dirait Luidji, mais on s'en est moqué ensemble et j'en suis tombé amoureux. Les pires films sont souvent les meilleurs quand on est avec la bonne personne. Il est tard et je ne devrais pas être là mais il est près de moi et ça sent la pomme chaude et la cannelle et je crois que je ne peux plus bouger parce que sa tête repose sur mon épaule et que respirer risquerait de briser ce moment. Il est tard et je ne devrais pas être la mais il fait chaud et il est doux comme les nuages et je peux enfin à nouveau respirer.
Il est tard et sa main contre la mienne commence à avoir le parfum du renouveau. Il est tard et il fait chaud, mais pas cette chaleur étouffante de canicule métropolitaine, non, pas cette chaleur qui prend aux tripes et rend malade, non, pas cette chaleur qui détruit le corps et rend rouge tomate, non. Il s'agit d'une chaleur douce comme la lueur d'une bougie odeur cerise, douce comme une bougie qui sent l'été doux comme les pêches et les piques-niques et les tulipes et les nappes quadrillées, doux comme la mer de la matinée et la rosée perlante sur les feuilles d'eucalyptus. Il s'agit d'une chaleur douce qui m'happe comme la guitare acoustique d'Apollo.
Il est tard et je suis heureux.
Et cette réalisation me plonge dans une mélancolie amère.
Je me rends compte que sans lui, sans lui je suis heureux. Que sans lui je peux être en paix, je peux me laisser porter par le courant— pas une cascade, pas un torrent, pas des rapides qui m'happent de manière violente et passionnée, eau tumultueuse qui certes m'empêche de m'ennuyer, mais m'empêche de me sentir en sécurité— je me laisse glisser.
Cette réalisation me rend amèrement heureux, joyeusement triste.
Il est tard, il est très tard. Et je suis heureux.
Il est tard, il fait chaud et Hector me tient contre lui, pressé contre son torse. Il est tard et je sens mes paupières s'alourdirent. Il est tard et je m'endors contre lui. Il est tard et ses bras m'enveloppent. Il est tard, et je le sens me transporter jusqu'à son lit. Il est tard et il me cale sous sa couverture. Il est tard et il s'endort sur le canapé. Il est tard et je l'aime—
Il est tard et je suis heureux.
Il est tard et je rêve.
Il est tard et je rêve de lui. Qui m'embrasse. Qui m'emmène autour du monde.
Il est tard et je rêve de lui.
Il est tard et je veux qu'il me tienne la main.
Il est tard et je veux être heureux.
Il est tard et je veux être heureux avec lui.
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Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel