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" J'ai besoin de toi. Je veux pas dire ça pour t'emprisonner. Tu peux partir. T'as le droit de te barrer. Mais je crois que tu m'es aussi essentiel que l'oxygène. Je crois que sans toi je suis sans dessus dessous. Je n'ai pas de sens. Je suis tout et rien. Un bordel sans non. Une boule de nerfs, de chaos, de merde, de pourriture. Tu es tout. Tout ce qu'il compte. Je ne dis pas que je ne peux pas vivre sans toi. Je vais étudier, je vais travailler. Mais sans toi je ne formerai pas de famille. Sans toi je n'aurais pas de maison. En anglais ils disent home. C'est tellement plus beau que maison. Tellement plus parlant. T'es ma home. Et t'es mon homme. Mon âme. Mon aumône. Dire que je suis amoureux de toi ne suffit pas. Dire je t'aime ne suffit pas. Les mots de la langue française sont trop faibles pour arriver à la cheville de ce que je ressens."

Il me regarde avec ses yeux, ceux que j'avais commencé à détester, à l'époque où il me regardait derrière ses volutes de fumée avec désinvolture. J'ai l'impression que ça fait mille ans qu'on se tourne autour, mille ans qu'il est mon vautour, mon charognard.

Il a les prunelles d'un brun noisette, un brun à croquer.

« Je t'aime tant que je pourrai en crever. »

« Je préfère que tu vives. »

« Que je vive? »

« Oui. Vivons. C'est la meilleure preuve d'amour qui soit. »

Je me perds dans ses yeux à nouveau. J'ai l'impression de m'y noyer, d'y laisser une part de mon âme.

« Je suis  fou amoureux de toi mon amour. Et ça ne me fait plus peur, je crois. »

Son corps est près du mien. D'un coup le monde me paraît devenir une sphère de bronze et d'or. Mon âme entière est en feu, mon corps brûle, s'enflamme, s'embrase, j'ai l'impression de fondre et de cramer comme un bout de viande délaissé sur un barbecue. Ses mains glissent autour de ma taille, et des picotements parcourent ma peau. Je m'assois sur sa cuisse, je sens en moi vibrer l'appel des flammes. Ses mains remontent sur mon torse, et ses lèvres, doucement, rencontrent les miennes. Je suis presque déconcerté par cette douceur. Tout chez nous est violence, âpre, râpeux, comme si être doux était accepter faiblesse. Alors quand soudain il m'embrasse avec lenteur, quand ses lèvres, rondes, roses comme de la cerise, quand ses lèvres déchiquetées viennent aspirer mon âme, je fonds contre lui comme un sorbet à la framboise. Il est doux comme du miel et je deviens le printemps.

Dire que j'ai envie de lui ne couvre même pas le début de ce que je ressens au creux de mon ventre. J'ai besoin de lui. C'est un besoin sans fonds, un besoin inexorable, impossible à combler. J'ai désespérément envie de lui, besoin de lui, j'ai besoin de le toucher, besoin qu'il me touche.

Ses mains traçaient comme des allumettes sur mon corps. Ses lèvres traçaient des coeurs sur mon cou. Je sentais un brasier au fond de ma poitrine.

" Je suis amoureux de toi aussi, Achille."

" Mm"

Ses doigts, ses mains, ses lèvres, sa langue, son genou entre mes cuisses. Je voyais trouble, je voyais doré et je ne faisais plus que ressentir.

" Pourquoi— Pourquoi t'es si doux?"

" Un peu de douceur dans ce monde de brute."

" D'habitude tu es la brute."

" J'ai décidé qu'aujourd'hui je veux te choyer. Je ne sais dire je t'aime qu'avec mon corps, Achille."

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant