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Il avait fatigué ses beaux membres en poursuivant Hektor autour de la haute Ilios

- Iliade

Pomme recrachée, il était trop tard. J'avais commis le péché éternel, j'avais été jeté du jardin, mes ailes carbonisées traînaient derrière moi, avirons délaissés, je devenais albatros, tête baissée, je devenais pâte brisée, je clopinais, tout cassé, bec cloué, en quête d'un serpent mal luné.

Il était venu, tard, après avoir manger les cookies. Athena s'était endormie. Adams idiots, pommes entre les mains, nous étions allés chez moi, pour ne pas la réveiller. Quelqu'un de plus intelligent que moi aurait dit bonne nuit, aurait renvoyé le serpent dans son lit, vilain séducteur.

Hector ne savait pas ce qu'il disait, ses mots s'enchevêtraient, c'était la fatigue, c'était l'alcool, qui, entre deux mots était apparu dans nos mains, bouteilles de nectar. Nous nous étions saoulés comme des dieux, bouteille au gosier, nous avions ris et pleurer.

Fatigués, nous nous étions assis sur le canapé. Genou contre genou, tête contre tête, corps brûlants collés-serrés comme des mots sur une page, lettres entremêlées. J'avais commencé à parler, mots perdus dans le silence du monde, il avait poursuivi ma phrase, artiste démesuré, je crois que j'avais commencé à pleurer, larmes sèches de mec bourré, j'hallucinais. Sa main avait effleuré la mienne, pour que attraper la bouteille. Vide. Il l'avait reposé, petit rire éparpillé, puis sa main m'avait caressé, doigts brûlants contre peau calcinée, yeux hallucinés, je l'avais regardé, hypnotisé.

Sa main me brûlait, je voulais sentir cette brûlure s'imprimer dans ma peau, tampon d'appartenance.

J'avais emmêlé mes doigts aux siens, nos doigts indissociables. Mon coeur était assiégé, la pomme était croquée, ma peau cirée fondait sous les flammèches du danger.

Je flambais.

J'étais fatigué.

Il était bourré.

Nos doigts s'étaient rencontrés.

Nos mains apprivoisées.

Nos cœurs ratiboisés.

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant