Aout approche et j'ai peur. Une peur bleue, un peu ironique, un peu dramatique, un peu catatonique. On s'en fout de cette peur, elle dénonce juste que je suis un peu humain et que je ressens un peu les choses comme les autres, elle dit juste que je ne suis pas entièrement un monstre et que j'ai le droit de vivre et de parler et de tenter tant bien que mal d'avancer. Elle dit juste que je vais devoir abandonner un monstre que j'aime bien côtoyer, pas celui de mon âme mais l'autre, celui que j'aime haïr.

Hector semble excité de le voir, cet Aout. Je crois qu'il veut m'emmener en vacances, dans le sud, au bord de la mer, sous le soleil brûlant du midi. Je n'ai pas envie d'aller en Côte d'Azur, ni près de l'Espagne. Paris vide me plaît bien.

Thomas me tient la main dans son lit. J'ai chaud, je suis allongé si près de lui que mon coeur semble près à s'arrêter. Nos mains sont entremêlées.

" Aout arrive."

Il sait ce que j'essaye de dire. Peut être est-ce temps d'arrêter ce manège toxique. D'affronter la réalité.

" J'veux pas que tu partes, Achille."

Si seulement c'était simple.





Hector m'attend sur le canapé.

" Ton boss a appelé."

Je m'appuie contre le mur. Je ne suis pas allé au travail aujourd'hui, j'étais trop occupé à faire l'amour avec Thomas, allongé sur son lit brûlant.

" Où est-ce-que tu étais? Pourquoi tu ne veux pas me voir à cause du travail, juste pour ne pas y aller au final?"

Je pourrais mentir, m'inventer des amis que je n'ai pas, m'inventer une vie, plaider l'âme d'artiste, dire que j'écrivais au parc, aux Buttes-Chaumont, inventer une histoire qui ferait que nous nous briserions pas. Je n'en ai pas le courage. Son visage de chérubin est rouge, ses constellations brillent enfin, maintenant que ma mauvaise humeur n'est plus près de lui pour éteindre ses étoiles, son feu brillant, sa joie envoutante.

" J'étais chez Thomas."

" Thomas, celui qui t'as détruit? Que tu détestes? Celui qui te manipule, te fait tant de mal, que tu t'évertues à retrouver alors que je t'ai dit que c'était mauvais, alors que je t'ai demandé d'arrêter, encore et encore?"

" Oui."

" Pourquoi, Achille? Pourquoi?"

Je ferme les yeux. Ma mâchoire me semble si tendue, je suis conscient de chaque pli de mes vêtements, de chaque secousse de mon corps, de tous mes muscles tendus, durcis par le stress.

" On a couché ensemble."

Je ne lui fais pas le déshonneur de me justifier.

" Aujourd'hui? Une seule fois?"

" Depuis un mois. Beaucoup de fois."

Il se décompose. J'avale ma salive. Je me répugne. Je suis dégoutant. Il n'y a rien pour justifier mon comportement.

" Je suis réellement désolé, Hector."

" Pourquoi?"

" Je suis la pire..."

" Je ne veux pas entendre ça. Pourquoi lui, Achille? Je pensais que tu le détestais. Que tu étais conscient du mal qu'il t'a fait."

" La colère. La haine. Une erreur passagère. Ma santé mentale disjointe. Je suis malade. Fou peut être. Je sais pas. C'était une erreur. Et j'ai pas réussi à m'arrêter. Puis je me suis attaché à la familiarité."

" Je ne te suis pas familier?"

" Il était mon chez-moi. Même s'il est toxique et monstrueux. Tu es si parfait, si heureux, quand on souffre comme je souffre c'est difficile de se retrouver dans une maisonnée aussi heureuse."

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant