Pouvoir fléchir ce coeur de fer qui loge en ta poitrine
Je te maudissais, avant. Je te haïssais. Je détestais tes appels, tes messages, je détestais que tu me rappelles ma faiblesse mentale. Je détestais que tu oses me hanter, fantôme démembré, je détestais que tu oses me torturer, toi qui étais si fracassé. Je détestais que tu me poursuive, toi qui était pour un autre, toi qui puais la maisonnée, toi qui puais l'amour. Je détestais que tu t'accroches à moi, que tu me menottes à toi, je détestais que tu me rallies à ça, je détestais que tu te joignes à moi, que tu me forces à penser à toi.
Je t'hainais, j'adorais te haïr, j'adorerais te donner de mon temps si précieux, j'adorais t'offrir le luxe de mes pensées, j'adorais te détester, j'adorais te refuser, j'adorais t'assassiner dans le désordre de mon esprit, meurtrier.
Tu as perdu ton pouvoir et tu l'as ressenti, tu m'as forcé à faire face à la réalité, brutalement, violemment, je me suis pris la claque de la décennie.
Je t'ai vu sans artifices, je t'ai vu, monstre idéalisé, créature des fourrées, je t'ai aperçu entre les voiles de la mystification, entre les voiles de ta déification, je t'ai vu, Hélios dénudé, je t'ai enfin réellement aperçu, et je t'ai rejeté, jeté dans la boue là où tu le méritais, jeté dans les crevices du Tartare, jeté dans les flammes violacées des Enfers, jeté dans la douleur et la torture.
Mon coeur de ferraille avait déraillé, il était temps de le réparer, je voulais l'asticoter, le rafistoler, le réhabiliter, lui donner la douceur qu'il méritait, le ménager à coups de pinceaux affinés.
J'étais fatigué le lendemain de ton appel fatidique. Mon corps me semblait alourdi par le poids du sommeil que je n'avais pu recevoir, mes cernes-valises alourdies par le poids des rêves que je n'avais eu, par le poids des angoisses que je n'avais purgé, par le poids des mes peurs jamais recrachées.
Je n'eus pas le courage d'affronter mon reflet.
Je m'assis dans la cuisine, lumières tamisées, je m'autorisais un café et des pâtes refroidies, restes d'un repas jamais entamé. Grelottant, je mangeais les yeux fermés pour ignorer le dégoût que la nourriture me procurait. J'avais répondu au monstre, j'avais dialogué avec ses gémissements espacés. J'avais confirmé que je souhaitais m'émanciper, loin de là Bête crochue qui toujours me hantait.
Pourtant je me sentais sale, dévergondé, je me sentais abîmé par ses mots amèrement enflammés, par sa douleur mesquine habilement recrachée, par sa haine finement voilée. Je ne pouvais me lever, je ne pouvais me laver, je ne pouvais affronter mon reflet disproportionné, je ne pouvais m'aperçoit, monstre rasoir, je ne pouvais faire face à mon pire cauchemar.
A la place j'avalais mes pâtes infâmes, j'me repliais dans ma coquille sans âme, je terminais ma tasse de café amer, j'me jetais à la mer, poumons salement salés. J'aurais voulu me noyer, étouffé dans les vagues de mes pensées lucarnes, lumières éteintes je vivais dans le noir, vampire sans cœur, sans gloire, sans romantisme. J'enviais la poésie de la vie, j'enviais mon cœur rempli, à présent vidé par les paroles d'un mollusque, vidé par le poignard de l'ignare connard qui me servait d'ex-amour.
Meurs, Icare, meurs, tu as osé échapper au soleil, mais le soleil te poursuivra jusqu'à ce que tu étouffes sur ta vanité, que tu étouffes sur ta langue calcinée, jusqu'à ce que tu crèves, noyé, estomac gonflé par le sel de tes erreurs.
Est-ce que tu me suivrais pour toujours? Apparaissant comme un augure quand j'osais inaugurer une nouvelle étape de ma vie, enfin heureux, enfin réchauffé par les flammes du bonheur, enfin réconforté près d'une cheminée, enfin sentant les flammèches de la joie.
Était-ce inévitable? Cette mort doucereuse que tu me faisais avaler comme les mots acidulés que tu me crachais au visage, présage des peines que tu allais me causer?
Je te hais, Thomas.
Je ne t'haine plus. Je n'aime plus te haïr, je n'aime plus te réfléchir, intellectualisant la souffrance que tu m'offres, offrande désagréablement agréable. Je te hais, à présent.
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Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel