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Pour Zio.

Tu n'es pas encore réveillé alors je t'écris sur le bord de la nappe en papier que t'avais acheté pour la soirée d'hier. Ça fait quoi... Quatre mois maintenant? Que t'es revenu? Le printemps est doux. Il fleurit à même chez nous. Je vois les fleurs dans ton regard, dans ta bouche, sur ta langue, c'est comme des oiseaux qui piaillent directement dans nos douches, des chants de rouge-gorges directement dans nos oreilles. Je sens le miel et le soleil sur ma peau quand je suis près de toi. Je crois que ma peur a presque fini de s'envoler, je crois que je peux enfin m'autoriser à être heureux. Je crois que ça y est, il est temps pour moi de t'ouvrir ma porte. Je crois. Je crois. Oui. Enfin. Je sais. Je crois. Oui. Je t'aime. Je vais chercher du pain, je reviens.


" Tu fais quoi?"

" Je t'écrivais une lettre."

" Une lettre d'adieu?"

" T'es con. Non. J'allais nous acheter du pain. On a plus de baguette."

" Pourquoi t'écris sur la nappe? On a plus de papier?"

" Oh. Je sais pas. C'était impromptu."

Il vient de se réveiller. Il est tout brioché. Chaud. Encore collant de sommeil. J'me presse contre lui et j'avale sa mie.

Ses mains se posent sur mes fesses. Ses lèvres sont chaudes, humides, délicieusement siennes— et merveilleusement miennes. Je mords doucement sa lèvre inférieure. Il me pousse contre la table.

" Tu joues à ça, mm?"

" A quoi?" je dis, innocemment

Mon dos se cogne contre ma jolie nappe-lettre d'amour. Ses lèvres glissent sur ma peau comme un navire sur la mer, ses doigts arrachent mes vêtements, experts. Il les jette par dessus notre épaule. Son sourire est carnassier, mais il n'a rien de menaçant. Il dégouline d'envie, une envie presque animale, une envie qui pue l'amour qu'il éprouve pour moi. Mon coeur gonfle. Ses mains s'attardent sur mes cuisses, sa langue dialogue avec la mienne— nos fameuses conversations, si éloquentes, si parlantes.

Doucement, je le repousse. J'entends sa respiration lourdement saccadée. Je vois dans son regard l'envie de me bouffer. S'il avait été un vampire, je n'aurais pas fait long feu.

" Attends, mon amour. Lis."

Il soupire, m'attrape, m'attire contre lui, tandis qu'il lit mes mots par dessus mon épaule. Au fil de sa lecture, ses mains se baladent. Mon dos, ma taille, mes fesses. Elles s'y attardent, agrippent ma chair.

" Je t'aime." il lâche d'une voix rauque

" Moi aussi, je t'aime."

Je lève le menton et je le vois. Ses yeux brillent, et son sourire s'est adouci.

" Purée."

" Oui?"

" Je t'aime." il répète, la voix presque tremblante

Il se penche vers moi, et doucement cette fois, dépose ses lèvres contre les miennes. Abeille qui butine. Ses mains appuient pour que je sois entièrement pressé contre lui, pour que nos corps se fusionnent et qu'on ne devienne qu'un.

" Je t'aime aussi, mon Patrocle."





Les draps s'emmêlent autour de nous, comme des virgules dans des poèmes. Luisants de sueur, nous sommes des points virgules haletants. Ses lèvres bruissent contre mon oreille, sa main caresse ma cuisse, et, enivré de bonheur, je fonds contre lui comme une glace pralinée.

" Je pourrai rester ici des heures, contre toi, chaud bouillant, presque flasque."

Mon corps entier est brûlant. Je ne suis pas une bougie ou un feu crépitant dans l'âtre. Je suis un incendie forestier, j'anéantis tout sur mon passage dans un brasier âprement rouge, pourpre, couleur sang. Je roule, pour être sur lui, pour que nos peaux se touchent, pour que la proximité entre nous soit telle que je me sens lové dans son coeur. Ses mains glissent sur les vallées de mon corps. Je veux être près, encore plus près, j'ai besoin de l'aspirer en moi, de l'avaler, le mastiquer, le digérer, j'ai besoin de l'aimer avec ma bouche, mes dents. Les mots c'est beau, c'est censé être mon métier, c'est censé être ce que je fais de mieux. Mais rien n'exprime aussi bien mon amour que mon corps. Ma bouche, mes mains, mes dents, ma langue. Rien n'est aussi poétique que la réunion de nos corps, l'effervescence de nos sens, de notre sang.

" Je t'aime."

Il mordille doucement la chair de mes épaules, lèche le long de mon cou, mord le lobe de mon oreille. Ses mains glissent le long de mes cuisses, de ma peau brûlante. Je fonds, je fonds, je ne contrôle plus mes mouvements. Ma bouche attaque la sienne, sans ménagement, sans la douceur presque calculée de l'amour que je lui porte. Nos langues parlent à notre place, le sang bat contre mes tempes. Nos lèvres cherchent déséspérement l'autre.

" T'es ma lighthouse."

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant