Sa main effleura la mienne. Il faisait froid— je grelottais, les yeux encore tartinés de beurre et les cils encore miel. Je me décollai lentement de lui, le cœur perché sur le bord de la lèvre.

Mon coeur était un océan et mes lèvres une plage grise et argent.

Je m'extirpai du lit, le corps endolori, étirant les muscles de mon corps avec lenteur. Le souvenir de Thomas retentissait en moi comme une cloche égarée. Mon Hélios, lui qui me tourmentait tant, qui m'avouait à demi mots que j'étais encore spécial dans son cœur, que j'avais encore ma place. Que faire de cette information? Comment pouvais-je simplement avancer?

Il était épée de Damoclès, constamment perché derrière moi avec les iris rougeoyants d'un prédateur. Il me rappelait constamment que j'étais sous  son joug, son doigt blanchâtre prostré sur mon épaule comme un omen. Je ne pouvais fuir les traces qu'il avait laissé sur mon âme, je ne pouvais ignorer les choses qu'il me faisait encore ressentir. De la haine, du mépris, de la colère... Tant de choses que les romantiques considérait passion. Si proche de l'amour et si lointain.

J'entendis sans y prêter attention le craquement du carrelage. Hector, qui venait voir si j'allais bien. J'étais assis sur le canapé, une tasse de tisane coincé entre mes doigts, trop rigides, ma colonne trop raide.

« Tu ne dors pas? »

J'haussais les épaules.

« Tu dors peu. »

Il vint s'assoir  près de moi.

« Tu as toujours été une âme torturée. »

Icare. Soleil. Feu.

«  J'aimerais tant que tout soit simple. De ne pas être envahi constamment par une confusion monstre. D'aimer avec pureté et légèreté. » Comme toi.

«  Tu n'es pas léger. Je l'ai toujours su. »

Fardeau.

«  Mais tu n'es pas un poids non plus. Tu es toi, complexe, riche en aventures. »

Il s'arrêta, un sourire fatigué dessiné sur ses lèvres dorées.

«  M'aimes-tu, Achille? »

«  Éperdument. »

«  Alors tout va bien. »

Pourtant, tout allait mal. C'était le chaos. Le chaos intersidéral. Le monde s'écrasait, implosait, les murs tremblaient, les vitres se brisaient dans une cacophonie extrême, le soleil hurlait, les nuages pleuraient, la ville pullulait de cris et d'injures. Apocalypse. Fin du monde. Larmes sur mes joues violacées.

Il me prit dans ses bras sans rien dire.

«  Je t'aime. » dis-je, suppliant

«  Je sais. »

Est ce que ça suffirait?

AchilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant