the enormity of my desire disgusts me. r. siken
Je hais, je déteste, j'observe la douleur qui se profile au fil de sa peau nacrée. Il a un teint légèrement doré, effacé par la pluie et la pollution. Les fenêtres sont baissées, ses boucles de boue volent dans les airs, derrière lui, comme les jupons d'une lady. Ses yeux sont d'un miel doré, ses cils un lait-amande délicat. Le verre noir cache à peine le rose. Il a le teint de la bonne humeur pourtant il me rappelle la pluie et la brume. Mon désir est gros, gonflant dans ma gorge, dans mes poumons comme un cancer noir, épais comme la mort, épais comme une doucereuse torture. Entre deux arrêts, sur le retour, ses mains se baladent sur mon corps comme les mains d'un sculpteur dans la boue.
Paris réapparait dans un nuage de fumée.
Les cadavres jonchent le sol, nous entourent, les cimetières grondent, les os flottent, la chair se déchire, les ongles se déplient, les doigts craquent, la mort hurle, crie, meure, pleure.
L'appartement de Thomas sent le chaud et les mégots. Il ouvre les fenêtres, s'allume une clope, prépare du café.Il sort des biscuits du placard, me tend une assiette couverte de cookies, écrit des poèmes sur la boite en carton, rit, rit, rit à s'en déchirer le visage.
Paris est beau, Paris est gris, Paris est lui.
On se balade dans les rues encore désertes de la ville. Il fait chaud, l'air semble divaguer. Nous marchons sur les pavés, dans les parcs, sous les rayons brûlants du soleil ambulant. J'écris des poèmes sur sa mâchoire, sur ses yeux, sur ses sourcils chenilles, sur ses oreilles-papillons, sur sa peau brunie par le soleil, sur l'alcool que nous consumons sur le balcon, au coucher du soleil, sur nos pieds dans le sable, sur notre virée en voiture, sa main sur le bord de la fenêtre, ses cheveux dans le vent, son sourire éclatant, Bowie beuglant, j'écris sa colère quand il se fait doubler, j'écris sa conduite aisée, j'écris son tempérament de cochon, son nez plissé, retroussé, j'écris son amour un peu cassé, j'écris ses séances chez la psy en visio, en tailleur sur le canapé vert de mamie Madeleine, j'écris les va et viens de la mer, timide matrice du monde. J'écris ses yeux miels, j'écris ses lèvres bronze, j'écris sa langue, sa bouche sur mon cou, sur ma peau qui brûle, qui crame, qui s'enflamme. J'écris le morbide. Morbide amour citadin. Terrible amour forain.
Je fume sur son balcon une fois que la lumière s'est tamisée. J'écris des poèmes sur le coin d'une feuille un peu abimée. Il dort à poings fermés, la route l'a épuisé. Je m'en retrouve plus poétique, poète un peu fracassé, un peu écrasé par les responsabilités de la vie d'adulte. Dimitri aime mes nouveaux vers, ma plume terrifiée, presque manique, tremblante d'une peur passionnelle. Il veut que jamais je n'arrête d'écrire.
La nuit tombe. Avec elle, je tombe aussi. Dans une folie amoureuse si bruyamment belle que je ne peux me relever. Je me laisse porter par les flots de mes pensées incongrues, si mélangées que je m'y perds, mes mots perdent leur sens et je me laisse devenir un idiot fini.
Je suis heureux, d'une manière un peu cassée, un peu étrange. Il y a quelques semaines, j'aurais trouvé cela impossible de vivre sans Hector, lui que j'aimais d'un amour enfantin, lui qui était l'innocence même. Mais la vie est un manège étrange, qui tourne, tourne, tourne, tourne sans s'arrêter.
Poésie étrange.
Vers alambics.
Stylo bic posé près d'un cahier égratigné
Mots alignés
Amour figuré
Figurant défiguré
Figuratif amour
Paris
Paris qui rit
Vache qui rit
Larmes de frustration face à la lune ronde, molle, sans colonne. Larmes rondes. Fécondes. Salées. Sucrées. Coeur fracassé. Mouton sacrifié. Chèvre souriante. Sourire boniface. De la Mole. Rouge. Passion. Noir. Prêtre de la mort.
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Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel