Un entre-deux. Un rêve, lucide et recherché.
"Tu m'appelles plus. Tu ne me parles même plus. En fait, c'est comme si je n'existais pas. Et tu as raison, je suis parti, je n'ai aucun mérites de demander que tu reviennes. Je suis un charognard, ça tu me l'as dit mille fois. Tu me l'as dit tant de fois que ce mot ne me fais plus rien. C'est quoi, un charognard, au juste? Mmh. Personne qui exploite impitoyablement les malheurs des autres. Synonymes : chacal. Sympa. Je suis sur que tu as dû ouvrir le dictionnaire pour ça, Achille. Mon Achille à moi fait sembler de maitriser la langue, mais en réalité c'est ma langue à moi qui lui a tout appris. Je vois que t'es retourné chez le bouche-trou. Il a l'air heureux. Ses potes aussi. Toi, je ne sais pas. T'as un besoin inassouvi d'une perpétuelle présence masculine dans ta vie. Et lui, il est si doux qu'il en est presque piquant, non? Et je me demande, souvent, peut être trop, qui sait, si tu te rends compte d'à quel point tu n'es pas normal. Non. Tu es spécial— différent. A part. Et je ne comprends pas pourquoi tu me fuis. On est parfait l'un pour l'autre, aussi fissurés l'un que l'autre. Toi, avec tes fissures, tu vas aller détruire quelqu'un d'entier, sans vergogne ( ne vérifie pas le dictionnaire: je te donne la définition. Ça signifie sentiment de honte). Tu devrais avoir honte. Pas forcément de toi. Toi tu sais que je t'accepte, que je t'aime, que j'ai besoin de toi. Mais tu devrais avoir honte d'imposer ça à lui, lui qui est si... Entier."
Effacer boîte: Oui.
Je le hais. Lui et ses "je sais tout". Lui et sa confiance en lui. Lui qui pense tout savoir, lui qui pense pouvoir analyser chacun de mes faits et gestes, lui qui pense que je ne mérite pas d'être heureux avec quiconque que lui. Je m'en veux d'être atteint par ses remarques. Je sais que je suis brisé, je sais que je ne suis pas assez, je sais que je suis une vulgaire esquisse d'humain, je sais que je sape l'énergie autour de moi, que j'avale le bonheur comme un trou noir, que je le bouffe comme si j'étais affamé alors que consommer quoi que se soit me révulse. Je sais que je ne mérite pas Hector— je suis un connard en plus d'être malade, je ne suis pas quelqu'un de bien. Mais mon mal, ma personne mauvaise, il l'accepte, et j'essaye, j'ose me laisser espérer que je mérite ce tantinet de bonheur.
Il est là, il me regarde, il voit que je suis en train de crever— je suis un ballon de foot délaissé sur le coin d'une rue, j'expie l'air dans un couinement sourd, je suis un putain de morceau de plastique abimé après des centaines de coups de pieds bien placés. Je suis un morceau de pacotille, je vais bientôt être mis dans un sac poubelle. Il me tient le petit doigt, il me donne de la place pour respirer mais il est là.
" Et si je te brise?"
" Tu as l'air de penser que je n'ai pas mes propres poids à porter. Tu sais, je suis habitué à la lourdeur, j'ai développé de quoi la porter. Ne penses jamais que je peux pas supporter la tienne. Achille, je te l'ai dit, et je vais te le redire maintenant parce que je veux que tu comprennes. Si le monde s'écroule, je suis là pour le porter. Je veux être ton Atlas. Je t'attendrai toujours. Si tu as besoin d'attendre d'aller mieux pour être avec moi, on peut faire ça. Si tu ne veux pas être avec moi, je comprends et je ne pousserai pas. Je suis là. Je ne peux pas me briser. Je suis fort. D'accord?"
" J'ai peur. Tellement peur. De te détruire, de me détruire, de nous détruire. J'ai peur."
" Il n'y a rien à détruire. Tout ce qu'on est— ce que tu es, ce que je suis— c'est immuable. On peut construire, on peut avancer, on peut évoluer. Mais on ne peut pas détruire. On peut juste apprendre à vivre avec. Ensemble, si tu le souhaites. Ou seuls."
" J'ai peur que tu partes. Et, plus que tout, j'ai peur de partir."
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Achille
RomanceIcare brûle, Icare s'enflamme, mais le soleil l'acclame. Icare aime le soleil d'un amour éternel