Chap 45

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Pour la première fois depuis ce qui me semblait une éternité, j'étais à la fois seule et lucide. La chaleur sous la tente embuait légèrement mes pensées mais j'avais le luxe de réfléchir au rythme qui me plaisait. Je n 'avais pas à répondre à des questions effrénées, n'y a afficher un regard tranquille. Ginny et Harry avait dû prévenir les autres que je désirais être seule car personne n'entra dans la tente pendant plusieurs heures. 

Je n'avais pas eu tout de suite faim. Le porridge était devenu plus compact dans son bol et le jus de fruit était beaucoup moins frais. Je m'obligeais cependant ponctuellement à ingurgiter une petite quantité de quelque chose afin de soulager le grattement constant dans mon œsophage.

Je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas réellement ce dont j'avais envie, je ne savais pas si j'allais bien ou non. La douleur dans chacun de mes membres, me poussa à faire une légère séance d'étirement. Je détendis du mieux que je pu mon dos, mes jambes et ma nuque. Alors que j'oscillais ma tête d'en haut à en bas, je croisais du regard mon reflet dans le petit miroir. Sans prendre la peine de me relever, je me dirigeais à quatre pattes vers lui. Je regardais pendant de longues minutes mes blessures. Des images me revinrent sous forme de flash. Des images mais aussi des sensations, des sons. Pour la première fois, je pris conscience que j'avais vraiment failli mourir. Jusque là l'adrénaline, l'épuisement puis la nécessité de faire bonne figure m'en avaient préservée mais à présent tout resurgissait avec violence. 

Je sentis une larme rouler sur ma joue et je me rendis compte que je pleurais. Il y avait tant de questions laissées sans réponses et tant de frustrations. Les traces sur mon corps et la douleur dans mes muscles, ancraient mon esprit dans le réel et m'assurait que tout ceci n'était pas un rêve. Toutefois, la situation me semblait si absurde, si impensable que je n'arrivais pas à me persuader que j'avais bien vécu ces moments. J'avais l'impression d'usurper les souvenirs d'une autre. 

Je me dirigeais lentement vers l'entrée de la tente et observais par la fente de l'ouverture. Les deux pans de la toile étaient restés au vent et je pouvais entrapercevoir les mouvements à l'extérieur. Des groupes de gens vaquaient à leurs activités de façon normale et certains d'entre eux souriaient même. Comment pouvait-il y avoir un tel décalage avec la réalité ? Je décidais subitement que la seule façon pour moi de remettre en ordre mes pensées était d'observer plus amplement cette fameuse réalité. Je fermais la tente en passant les attaches de l'un des pans de la toiles dans les œillets prévus à cet effet sur le second pan. Une fois chose faite, je revins vers le petit miroir que j'avais posé au sol et le reposais contre le vase en terre. Ce dernier était définitivement hideux.  

Je me mis en face du miroir et enlevais doucement mes vêtements. C'était la première fois que je les ôtais depuis que je les avais mis la veille, très tôt le matin. Je retirais mon pantalon et découvris avec effrois les nombreux bleus et contusions que j'avais sur les jambes. J'avais également une profonde entaille sur le genoux gauche qui avait vaguement cicatrisé en se mélangeant à de la terre, de la sueur et au tissu éliminé de mon jean. On m'avait déjà enlevé mes chaussures, j'enlevais mes chaussettes : mes orteils avaient été épargnés. Je concentrais mon attention sur le haut de mon corps. Mes bras portaient plusieurs égratignures et un énorme bleu qui était plutôt noir-violet s'étendait sur mes côtes droites. J'avais également les coudes ouverts, plein de terre et de petits cailloux. Mon visage avait quelques fines égratignures lui aussi et j'avais un hématome sous le menton. Mes cheveux abritaient un nombre incalculable de brindilles et les nœuds qui s'y étaient formés me créaient presque quelques dreadlocks.  Je m'appliquais à démêler le tout avec les doigts, plissant le nez quand je touchais une bosse sur mon crâne. Une fois chose faite, je me sentais déjà un peu mieux. Je savais cependant que je ne devais pas m'arrêter là. J'avais besoin de continuer cette réappropriation de mon corps. Cet homme m'avait touchée, violentée et j'avais l'impression qu'il avait pris quelque chose de moi sans mon accord. J'avais besoin de me laver un peu. 

Pire que les Sangs de BourbeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant