14. Zachir et les cheveux

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PDV de Zachir, dans le manoir-volant, près des frontières.

J'étudiais dans l'atelier avec un café lorsque j'entendis la porte s'ouvrir. Je n'avais pas pris la peine de lever la tête. Ce devait être Lucaï qui était rentré, en avance pour une fois. Cependant, je sentis mon coeur se serrer en ressentant le trouble de Hestia. Je levai les yeux, m'apprêtant à lui poser la question, mais je compris par moi-même.

C'était Thalia qui venait de perturber Hestia.

Elle me tournait le dos, ne semblant pas avoir remarqué que j'étais là. Elle tenait des paquets entre ses bras, beaucoup même pour quelqu'un qui ne possédait rien. Je fronçais les sourcils, me demandant par quels moyens avait-elle pu se payer toutes ces choses. Je me levai pour aller la voir et ainsi satisfaire ma curiosité sur le sujet. Sauf que ce fut Hestia qui réagit en premier :

— Thalia, tu as coupé tes cheveux. Pourquoi ?

Perplexe, j'observais la femme pour réaliser que la Faesidh avait raison. Elle avait l'air d'avoir une coupe d'un garçon, les mèches plus longues d'un côté que de l'autre. Il était évident que ce n'était pas un coiffeur qui lui avait fait cela. Mais ce n'était pas la seule évidence que j'avais perçu. J'avais compris pourquoi elle avait pleine de paquets entre ses mains. Je ne pus m'empêcher de rétorquer :

— Tu as vendu tes cheveux pour avoir de l'argent ? Tu es folle, ou quoi ?

Thalia fit volte-face, surprise de ma présence. Elle me regardait avec des yeux bouffis et rougis. Je lisais dans son regard à quel point elle avait honte. Quand les femmes étaient rendues à vendre leur cheveux, c'était vraiment par désespoir. Ce n'était pas le travail qui manquait, ni une quelconque discrimination qui empêchait les gens de travailler. Par contre, c'était l'un des moyens les plus faciles et rapides pour gagner de l'argent, mais c'était également mal vu. Seules les prostituées se livraient à ce genre de pratique.

Et pire encore, dans le monde de la magie, ce genre d'action était de la folie : donner une part de soi, c'était donner du pouvoir aux autres. Et cette vieille femme entourée par une magie inconnue venait de volontairement céder une partie d'elle-même. Soit elle était bête, soit elle était ignorante. Voire les deux.

Ses yeux s'embuèrent une seconde fois avant de fuir mon regard. Elle tenait encore un paquet entre ses mains, les autres ayant tomber. C'était tous des vêtements, et quelques accessoires minimales. Je voyais une robe dépassée d'un paquet, un pantalon bouffant, des chandails pour hommes et des sous-vêtements. Je détournais poliment la tête, un peu gêné par le contenu de la dernière boîte. J'étais bien des choses, mais certainement pas un pervers avec une tendance au voyeurisme.

Je croisais le regard de Hestia qui attendait une explication.

— Les cheveux sont des marchandises convoitées, se vendant au prix fort, surtout à la Capitale. Thalia a vendu les siens, à un très mauvais prix visiblement.

— Je me suis acheté ce dont j'avais besoin, répliqua la vieille femme d'une petite voix où se mélangeait hargne et tremblement. Ç'a été suffisant.

Elle se détourna de moi pour filer à la salle de bain. Je la laissais partir, me disant que j'avais déjà assez tourner le couteau dans la plaie. De toute façon, j'étais pris avec un problème plus urgent : Hestia était furieuse. Elle était visiblement calme, mais elle bouillait de l'intérieur. Je préférais l'ignorer pour aller ramasser les paquets de Thalia. Elle s'était acheté une bonne quantité de vêtements, mais ils étaient tous de seconde main. Ils ne semblaient pas être tous à sa taille, et certains étaient carrément affreux.

Hestia attendit que Thalia soit assez éloignée pour me faire part de son avis avec agressivité :

— Zachir, tu l'as fait pleurer.

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant