PDV de la Sorcière bannie, dans les Plaines de la Mort.
Se savoir et se sentir à deux endroits différents était et demeurait une expérience toujours aussi insolite que fascinante. Tout en étant dans l'atelier, je manipulais le corps d'une de mes marionnettes. Je voyais ce qu'elle voyait, j'entendais ce qu'elle entendait et je ressentais ce qu'elle ressentait, le tout avec une certaine distance. La première fois que j'avais expérimenté ce genre de chose, j'avais été effrayée avant d'être émerveillée. Pour prendre possession d'un corps, je devais m'immerger dans son esprit et dans son corps comme on le ferait en plongeant dans l'eau. Au fil de mes expérimentations, j'étais venu à la conclusion que je me trouvais dans un lieu où seul l'esprit pouvait s'y rendre, un lieu entre deux autres. Cet endroit insolite m'éveillait un bassin d'une eau à la fois sombre et lumineuse, mais intangible. C'était à cet endroit que j'en tirais mes capacités exceptionnelles de la mémoire de l'eau et de la manipulation mentale.
Maintenant, après de nombreuses années d'observations et d'entraînements, j'avais perfectionné cette capacité au point d'être en mesure de camoufler mon aura magique. Ainsi, j'étais indétectable tant que je n'essayais pas de faire appel à la magie, ce que je n'avais pas besoin de faire aujourd'hui. Ma marionnette était seulement partie en reconnaissance.
Celle-ci se trouvait dans un train en direction de la ville de Gové. J'aurais bien aimé poursuivre avec ce chef de troupe de théâtre, mais Zachir l'avait pris sur le fait. Du coup, j'avais dû abandonner temporairement cette marionnette : comme Zachir n'acceptait pas mon offre, je devais le considérer comme un ennemi. Je ne voulais pas avoir ce jeune prodige dans mes pattes, avec ses idées sur la liberté.
La liberté n'était qu'illusoire, il finirait bien par le savoir, ce jeune homme.
De plus, mes marionnettes étaient interchangeables, c'était nécessaire à mes plans. La perte temporaire de celui-ci n'était qu'un petit désagrément. Au moins, je pouvais continuer mes observations sur son esprit. Je trouvais très intéressant d'étudier la psyché d'un artiste et de se promener dans les méandres de son imagination.
Alors que mon nouveau pantin sortait comme les autres passagers du train, je revoyais mentalement les événements des derniers jours.
La petite s'était volatilisée dans la nuit suivant notre rencontre. J'avais envisagé la possibilité qu'elle avait pu prendre la fuite, mais il s'avérait qu'elle n'avait trouvé refuge dans aucun village avoisinant. Du coup, j'avais décidé de revenir dans sa ville natale pour dénicher des informations sur son emplacement actuel. J'avais donc commencé mon enquête par la boutique de fleurs de sa famille, ce bâtiment qui était à la fois son domicile et son lieu de travail. À la lumière du jour, le magasin avait bien fière allure, attirant le regard de tous par les couleurs affichées. Or, ce n'était pas la seule chose que j'avais remarqué. J'avais tout de suite perçu une attention accrue des Faesidhs dans ce quartier. Ils se dissimulaient aux yeux de tous, mais ils passaient beaucoup de temps dans ce bâtiment. Je pouvais encore percevoir leur présence tel un résidu laissé derrière eux, malgré qu'elle ait grandement diminué au départ de la petite.
Cependant, je ne pouvais pas entrer : la boutique avait exceptionnellement fermé ce jour-là. Je m'en étais douté, mais j'étais tout de même déçue de ne pas pouvoir entrer. J'avais espéré tomber sur quelque chose qui appartiendrait à la fille. Or, une voix m'interpella :
— Cela doit être décevant pour vous de trouver devant une porte close.
Je fis volte-face, découvrant une femme. Ce n'était qu'une citoyenne à l'apparence quelconque avec son panier de courses. J'en déduisais qu'elle devait habiter dans ce quartier, et donc qu'elle connaissait peut-être la famille de ma proie. Cette femme me souriait avec politesse, sans aucune arrière-pensée apparente. Je lui rendis un sourire factice, en rétorquant un habile mensonge :
VOUS LISEZ
L'Éveil de l'Arcane T.1
FantasiaUne femme maudite. Un prodige mystérieux. Une immortelle bannie. Au pays Dendérah, les mages sont à la fois savants et fonctionnaires, tous sous la juridiction de l'Institut de magie. Enfin, pas tous. Cent ans plus tôt, un de leur membre a été bann...