PDV de la Sorcière, dans les Plaines de la Mort.
J'étais tranquillement en train d'étudier un grimoire lorsque je perçus la présence de la petite. Je fus surprise de percevoir à nouveau sa présence clairement, alors qu'hier, j'étais incapable de la localiser.
M'approchant de la carte du pays, je laissais ma magie me montrer son emplacement. Que fut ma surprise de la trouver dans la ville de Leucan. Une ville qui se trouvait bien trop loin pour qu'elle puisse s'y rendre par ses propres moyens. Même en train, elle n'aurait pas dû être en mesure d'y être.
Il y avait clairement un facteur externe à tout cela.
— Eh bien, il n'y a qu'une explication, élucidai-je en levant les yeux de la carte, elle a trouvé refuge chez le prodige.
— Un des nôtres a dû la conduire en sécurité, ou du moins, il l'a guidée, expliqua la voix sifflante de Mami-Wata. Sinon, elle serait morte de froid.
Je me redressais avec grâce de mon siège en cuir, ne répondant rien au commentaire de mon compagnon Faesidh, une créature merveilleuse ayant l'apparence d'un énorme serpent. De tous les scénarios possibles, ce n'était pas celui qui était le plus avantageux pour moi. Ce prodige du feu était le seul à être intraçable. J'étais partagée entre l'admiration de ce puissant camouflage magique et l'énervement de mon incapacité à percer ce dernier. Ce jeune homme était réellement un prodige, personne ne pouvait le lui retirer.
« Dans une autre vie, nous aurions été d'excellents collègues de travail... », pensais-je avec nostalgie. « Mais je suis mieux seule, avec mes compagnons. »
Je sentais sous mes pieds le sol lisse du marbre, mais pas sa froideur. Avant, j'aurais sans doute perçu ce désagrément, mais plus maintenant. Cela faisait plus de soixante-dix ans que je n'étais plus affectée par l'absence de chaleur. Parfois, ces ressentis perdus me manquaient, mais perdre mon humanité était un faible prix à payer pour la puissance que je possédais aujourd'hui.
Les humains n'étaient pas dignes de confiance. J'avais compris que je ne pouvais compter que sur moi-même, et mes compagnons.
Je saisis avec douceur le corps écailleux de la Faesidh pour la laisser s'enrouler autour de moi. Puis, je pris la direction du bassin. Mami-Wata glissa sur moi jusqu'à ce que sa tête se retrouve dans mon cou.
— Vous allez aller enquêter, maîtresse ?
— Oui, je veux vérifier quelque chose.
Je sentis la magie du serpent faesidh m'entourer, partageant sa force avec moi. J'établissais le lien avec un de mes anciens cobayes, laissant mes pas trouver seuls le chemin du bassin. Je m'infusai avec discrétion dans l'esprit d'une femme mûre. Je me souvenais que son nom était Prali. Cela faisait une dizaine d'années que notre marché avait été honoré, et que je l'avais ramenée chez elle. Elle semblait s'être épanouie depuis notre séparation.
Peu à peu, je me mis à percevoir le sol sous ses pieds, la brise chaude qui caressait sa nuque. Les sons de la cacophonie des lieux m'assourdissaient momentanément. Je clignais quelques fois des yeux pour m'y habituer avant de percevoir une trace de ma magie.
« Elle a laissé quelque chose dans cette ville » , déduisai-je avant de saisir la gourde de mon cobaye pour changer la nature de l'eau à l'intérieur. J'avais besoin d'une monnaie d'échange, et l'alcool se vendait toujours très bien.
Je zieutais les alentours, slalomant entre les passants. Je ne me laissais pas distraire par l'effervescence des lieux, attentive à mes sens magiques. Heureusement pour moi, il semblait qu'aucun mage ne se trouvait dans les alentours. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'on me détecte, autant ne pas en perdre.
M'enfonçant plus loin dans le marché, je détectais avec précision mon essence magique quelque part vers la gauche. Je me sentais attirée par un duo de marchands qui vendaient divers articles faits de bois pour la plupart. Je m'approchais de l'un qui tenait un paquet entre ses mains. Je percevais les résidus de ma magie provenant de ce qu'il tenait entre ses mains.
Je ne pus m'empêcher de penser que cette enfant était vraiment imprévisible. Elle était peut-être naïve et facilement effrayable, mais elle était pragmatique si nécessité faisait loi. Or, j'allais tirer avantage du fait qu'elle ignorait le danger d'une telle action, surtout pour elle.
— Bon matin dame Prali ! s'exclama le vendeur avec le paquet entre les mains. Que puis-je faire pour vous ?
Je fouillais rapidement dans l'esprit de mon ancien cobaye avant de trouver l'identité de cet homme. Tel un caméléon, je dupais l'homme en agissant comme Prali :
— Bonjour Charles ! J'avais justement besoin de vous, vous voulez m'aider ? m'enquis-je en effleurant sa main.
Le vendeur acquiesça, autorisant ainsi la magie à se manifester jusqu'à lui. Elle glissa de moi à l'homme qui cligna quelques fois des yeux. Ma psyché se scinda en une troisième partie, me permettant de fouiller dans la mémoire du vendeur. Rapidement, je sus que la petite avait échangé ses cheveux pour une somme dérisoire. Elle n'avait pas trouvé le meilleur marchand quant au prix, mais elle s'était tournée vers ceux qui étaient les plus honnêtes. Cela ne l'avait pas empêché de mentir quant à la provenance de ses cheveux.
Je me demandais si elle était idiote, ou bien si elle était d'une gentillesse affligeante. Peut-être les deux.
Je manipulais légèrement l'esprit du vendeur, échangeant les cheveux pour une gourde d'alcool dans ses souvenirs. Je fis l'échange avant de brouiller les souvenirs de notre rencontre. En tenant entre mes mains le paquet, je laissais la magie se dissiper. Le dénommé Charles exécuta la série de pensées que je lui avais fait germer : il partit voir son partenaire, s'excusant un moment avant de partir dans le marché. Le temps qu'il revienne de sa petite marche, il aura oublié et il se sentira mieux.
Je quittais ainsi le marché, rebroussant chemin. D'une démarche lente, je sortis de la ville sans me faire remarquer. J'attendis d'être sortie pour voir le contenu : il s'agissait d'une longue couette de cheveux d'un blond clair. Elle avait vraiment vendu une si belle chevelure pour quelques pièces d'argent.
— Au moins, je ne finis pas complètement perdante, songeai-je à voix haute avant de m'approcher d'un ruisseau. Tu es déjà là, Yacuruna.
Le Faesidh mi-homme mi-crocodile me sourit avant de faire une révérence pour me saluer. Je caressais avec tendresse le visage séducteur d'un autre de mes compagnons Faesidhs. C'était un puissant et séduisant esprit de l'eau qui possédait de grands pouvoirs guérisseurs. C'était même lui qui m'avait enseigné l'art de la guérison et des propriétés particulières de l'eau. Son apparence animal effrayait bien des gens, mais j'étais une érudite : l'esprit passait avant le corps. Nous nous étions liés depuis si longtemps qu'il me connaissait par cœur : la preuve, il venait récupérer le précieux paquet.
— Tu n'as pas attendu trop longtemps, mon cher ?
— Non, maîtresse. Je tenais comme vous à ramener cet objet sans d'incidences.
Je lui tendis en silence le paquet avant de tourner les talons pour ramener mon ancien cobaye là où elle se trouvait.
J'avais terminé ici, autant rentrer auprès des miens; et juste à temps : le prodige venait d'arriver dans la ville.
— Tu es arrivé trop tard, petit prodige, murmurai-je en ouvrant les yeux.
Je me tournais vers Yacuruna qui se trouvait à mes côtés, dans le bassin de mon repère. Il me salua une seconde fois avant de me tendre le paquet contenant la chevelure de la petite. Cette imprévue allait grandement m'être utile pour mes prochaines actions.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Nouveau chapitre, et nous revoilà avec la Sorcière (oui je sais, nous sommes jeudi, on dirait que mercredi ne m'aime pas !) Dans ma vie, c'est un peu fou (entre les heures supplémentaires et les aléas tristes de la vie) et j'ai un peu perdu le Nord...
Mais le Soleil revient toujours !
De retour avec la Sorcière qui manigance des choses...
Que pensez-vous qu'elle veut faire ?
Comment trouvez vous ses compétences magiques ? La craindrez vous aussi si vous étiez à la place de Thalia, Zachir ou encore des membres de l'Institut de Magie ?
J'ai hâte d'avoir vos retours :D
VOUS LISEZ
L'Éveil de l'Arcane T.1
FantasiUne femme maudite. Un prodige mystérieux. Une immortelle bannie. Au pays Dendérah, les mages sont à la fois savants et fonctionnaires, tous sous la juridiction de l'Institut de magie. Enfin, pas tous. Cent ans plus tôt, un de leur membre a été bann...