35. Le cobaye de la Sorcière

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PDV de la Sorcière bannie, sous terre dans son Antre, les Plaines de la Mort.


Un hurlement déchira l'air, mais il glissait sur moi. Au fil des années, j'avais appris à ne plus réagir à ses cris d'animaux à l'agonie. Il était naturel que l'esprit cherchait à se protéger, mais cela ne guérissait pas la source du mal.

Je regardais l'homme sanglé sur la chaise avec froideur. Ce dernier avait le visage bouffi par les larmes et du sang coulait de la commissure de ses lèvres. Il avait dû se mordre durant les convulsions malgré le bout de cuir entre ses dents. Ses veines étaient visibles tant il avait contracté ses muscles. Cet homme souffrait énormément, se débattant comme un beau diable. Il essayait de fuir mon contact, autant physique que visuel, tant il était terrorisé par ce que je lui faisais.


— Se débattre rend la chose plus dure inutilement, soupirai-je en m'approchant pour retirer le sang de son menton à l'aide d'un torchon.


Un regard vitreux rencontra le mien avant qu'une nouvelle vague de convulsion le saisit. Je posais ma main sur son front, pénétrant en douceur dans son esprit. Je profitais qu'il soit occupé à endiguer la douleur pour m'enfoncer dans les méandres de sa psyché. Cette dernière était chaotique, envahie par des souvenirs jaillissant sans queue ni tête. Je ne fis pas attention à ces images qui agissaient comme des feuilles prises par les rafales d'une tornade. Je continuais de m'enfoncer dans son subconscient malgré ses cris déchirants. Je voyais des souvenirs épars et logiques parmi le chaos qui régnait. Je voyais son enfance, la rencontre avec sa femme ainsi que certains avec de jeunes enfants. Ceux-ci étaient clairs, et les seuls à ne pas avoir été contaminés par le chaos. Même si je détournais le regard, je percevais encore la chaleur et la lumière qui se dégageait de ces images psychiques. Ces êtres chers lui servaient d'ancre à travers le brouillard de souffrance dont son esprit était prisonnier.

Repoussant en douceur ces photos-souvenirs, je tombais sur ce que je cherchais : des champignons. J'ignorais pourquoi les maladies prenaient cette forme, mais certaines zones de sa psyché étaient infestées de champignons et de moisissures. Je devais les cueillir en douceur pour les garder intactes. Je désirais mieux comprendre leur nature et leur champ d'action. Tout en décortiquant la nature de ce champignon mental, je maintenais le corps de l'homme le plus immobile que possible. Même avec l'aide de mes compagnons, cet humain possédait une force impressionnante, bien plus grande que lors de son premier jour. Chaque plongeon dans son esprit le rendait plus fort, mais il rendait mon travail plus ardu. Heureusement, je ne m'inquiétais pas : Baku, Yacuruna et Mami Wata étaient en mesure de le maîtriser s'il se libérait. 


La dernière fois, nous avions dû interrompre la séance. Le corps réticulé de Mami Wata était une bénédiction pour ce genre de cas : personne ne pouvait gagner contre un serpent qui vous étouffait jusqu'à ce que vous perdez connaissance.

Mais toutes ces complications ne faisaient que confirmer que nous étions dans la bonne direction.


— Allez, tu peux encore supporter monsieur le papa, soufflai-je à voix haute, un fin sourire aux lèvres.


Je savais pertinemment qu'il ne percevait que la douleur à ce moment-là. Même si j'avais les paupières closes, j'étais parfaitement consciente de son corps tendu et en sueur alors qu'il se débattait avec violence contre les sangles et les intrusions mentales que je lui faisais subir.

Or, je n'étais pas là pour être compatissante : je ne voulais pas être obligé de réitérer cette séance une fois de plus. J'avais assez perdu de temps, et je prenais du retard sur mes autres obligations. Heureusement que l'esprit des rêves était là pour poursuivre son influence dans les rêves de la petite, mais ça m'irritait de ne pas pouvoir m'en charger moi-même. J'étais une savante : voir de mes propres yeux les phénomènes complexes de la psyché était une des joies de la vie de Mage.

Et Baku faisait toujours à sa tête.


— Baku, Yacuruna, maintenez-le le temps que je m'occupe de terminer la besogne.

Si les cris de mon cobaye étaient auparavant déchirants, nous avions maintenant un animal à l'agonie. Un animal qui devait préférer se faire égorger que subir ceci.

Finalement, l'Institut de magie avait peut-être raison : j'avais peut-être un cœur de glace. Après tout, cet homme se tordait de douleur, ses yeux se révulsaient dans leurs orbites tant la douleur phagocytait son esprit.


Pourtant, ça ne me faisait ni chaud ni froid. 

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Nouveau chapitre, mais très court, désolez ! Je viens de remarquer que ce chapitre est vraiment très court (je travaille sur une version 2.0 pour en savoir davantage sur la Sorcière et où elle vit).

Que pensez-vous d'elle ? Cette femme froide qui arrive à rester de marbre devant un homme agonisant. 

Que peut bien cacher cette froideur, cette tolérance à la douleur d'autrui ?

À la semaine prochaine !

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant