33. Thalia et le doute

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PDV de Thalia, dans son lit au Manoir volant.

Mon cœur se comprima. La panique m'envahit. Je tombai. Je tombai plus vite, je tombais trop vite pour réagir. Je sentais le sol qui se rapprochait. Ou était-ce moi qui réduisais la distance entre nous.

Je hoquetais en ouvrant les yeux. La terreur de la chute venait de me forcer à me réveiller. Je respirai rapidement au point d'avoir des douleurs dans la poitrine. J'étais encore dans le manoir, dans mon lit. Je n'avais pas bougé, j'étais même très loin de glisser hors du lit. J'avais vraiment eu l'impression de tomber pour de vrai. La sensation de la gravité qui vous tirait et la panique de savoir que le sol vous rejoignait avant de prédire la finalité : l'impact final.

Je me redressai lentement. J'en tremblai encore. Je pris de lentes et profondes respirations. Je ne tombais pas, ce n'était qu'une impression, peut-être même les résidus du rêve. Je jetai un coup d'œil en direction du foyer. Hestia ne s'était pas matérialisée ; j'avais eu peur de la réveiller. Un autre coup d'œil du côté de la fenêtre confirma ce que je croyais : le Soleil commençait à peine à pâlir le ciel.

À tout casser, il devait être à peine 4h du matin.

Je sortis du lit, et j'entrepris de m'attacher les cheveux avec le foulard rouge. J'avais une brusque envie de sortir. Il était hors de question que je me rendorme avec cette boule au ventre, et depuis que les Sylphes protégeaient mon coin jardin, je n'avais plus d'inconvénients à m'y rendre. Je récupérais mon châle, mes bottines et un lampion avant de m'élancer aussi rapidement que silencieusement à l'extérieur. En refermant la porte derrière moi, le vent se mit à rugir bruyamment. Je sursautais malgré moi, mais je me rassurais : ce n'était que des rafales, mais aucune ne m'atteindrait. Je descendis le petit escalier qui menait à la section du manoir qui m'intéressait : le jardin.

Mon regard admirait les pousses éclairées par les rayons de lune. Aucun vent ne soufflait sur elles, mais l'atmosphère tiède demeurait. Je m'accroupis près des jeunes plantes, faisant un tour de vérification. J'essayais de ne pas trop penser à mes rêves. Je ne voulais pas repenser à ce rêve : je ne voulais pas admettre que la Sorcière parvenait à m'atteindre même dans le lieu reculé qu'était le monde des Rêves. J'avais cru naïvement que j'étais à l'abri la nuit, que j'avais enfin un répit de la journée.

Tout était dit sur moi avec ce simple mot : naïvement.

— Pourquoi je ne suis pas assez forte ou solide... ?

— Parce que tu n'es pas de l'acier, petite fleur.

Je me figeais en attendant cette voix.

Qui venait de me répondre ?

Elle me rappelait quelque chose, mais je ne parvenais pas à m'en souvenir. Je fis pivoter nerveusement ma tête dans tous les sens, à la recherche du propriétaire de la voix. Je n'avais pas eu à chercher longtemps : il était accroupi à ma gauche, dans mon ombre de lune. Je glapis, trébuchant toute seule d'où j'étais.

Oui, je venais de réussir l'exploit de trébucher accroupi au sol, mais passons ce détail gênant.

Un doux rire retentit, et l'évidence me frappa d'un coup. Je connaissais cette voix, ce rire et cette silhouette. Mais pas que, je me souvenais très bien de ce regard de bronze, ces traits anguleux mais légèrement arrondis. Je trouvais que c'était un bel équilibre entre la dureté et la souplesse. C'était une dureté apparente, mais je parvenais à voir la douceur de son feu brûlant.

Un forgeron, aussi forts que puissent être ses coups, était en son for intérieur un artiste.

— Tu es réel, Cifer ?! Je n'ai pas rêvé ?

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant