2. La Sorcière l'a enfin trouvé

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PDV de la Sorcière bannie, quelques parts dans les Plaines de la Mort, portion désertique de la frontière séparant le royaume de Dendérah (au Sud) et le pays de Meido (au Nord).

J'étais confortablement assise, dégustant un mets à base d'un poisson de Llyn-Llyn. Cet animal était d'une grande rareté, et très peu pouvaient se vanter d'avoir les moyens de s'en procurer. Ce poisson devait être pêché près des Archipels, à l'Ouest du pays, de nuit seulement à ceux qui avaient la chance d'en apercevoir un. De plus, peu de bateaux avaient les capacités pour pêcher ce type de poisson à cause de leur taille, ni le permis nécessaire à la chasse.

Je n'avais ni l'un ni l'autre, mais je désirais manger ce mets délicieux ce soir. De la nourriture d'exception pour une femme d'exception : moi.

L'une de mes marionnettes avait fait une délicieuse mousse avec la chair du poisson, agrémenté de petits pains encore chauds et de légumes fraîchement cueillis. La mélodie gracieuse d'une fontaine parvenait à mes oreilles, me détendant durant cette soirée de Beltaine.

À l'époque, j'aurais sans doute profité de cette pleine lune de mai pour partir en voyage en mer et ainsi assister aux insoupçonnés apparitions de certains esprits de l'eau. Bien de Faesidhs issus de l'Océan remontaient le temps de cette nuit pour fêter, comme les humains, le règne officiel du printemps à son apogée.

Or, j'étais à la recherche de quelque chose, ou plutôt, de quelqu'un. Cette chose n'était pas facilement dénichable par sa nature subtile. Cela faisait des années que je cherchais de villes en villes, même dans le pays voisin, retournant même plusieurs fois là où j'avais passé des années plus tôt. À chaque fois que je pensais pouvoir mettre la main dessus, je découvrais que ce n'était qu'une fausse piste. Je me demandais même si ce que je cherchais me fuyait volontairement.

Heureusement, grâce à mes nombreux serviteurs, j'avais un œil dans diverses villes du pays. Grâce à eux, je demeurais informée en tout temps sur ce qui se passait et je pouvais mener mes recherches en toute discrétion. Ces serviteurs étaient très utiles et simples à utiliser : je ne prenais le contrôle sur eux que si quelque chose en particulier m'intéressait. Sinon, ils vaquaient à leur occupation comme bon leur semble, inconscient de ma présence subtile auprès d'eux.

Seuls ceux qui demeuraient auprès de moi demeuraient inconscient, un simple pantin obéissant à mes souhaits. Le tout était possible grâce à des gens lambdas ayant accepté un contrat avec moi. Pour le besoin de discrétion, ceux-ci ne devaient pas être conscients de ce qu'ils pouvaient voir et entendre. En général, ils s'occupaient de faire la maintenance des lieux ; ou encore ils partaient en mission pour moi.

La seule exception était l'une de mes marionnettes qui était un bourgeois. Ça, c'était une affaire personnelle. Profitant de la richesse de ce dernier, j'avais accès au financement nécessaire à mes recherches. Pour les autres, ils n'étaient qu'utiles pour améliorer mes recherches sur la magie.

Ma faim justifiait mes moyens. Je ne voyais pas le problème là-dedans.

Or, me prenant au dépourvu, je sentis quelque chose frémir en moi. La fourchette que je tenais se figea à un pouce de mes lèvres. Il se passait quelque chose près de l'un de mes serviteurs.

— Je déteste être interrompue pendant mes repas, soufflai-je pour moi-même avant de laisser un sourire s'épanouir. Mais je veux bien être indulgente, surtout si c'est ce que je crois.

Je déposais mon ustensile avant de me détourner de mon repas. Je filais en direction d'un coin sombre d'où provenait le bruit de la fontaine. Je descendis les quelques marches qui me permettaient de rejoindre le bassin. Je m'y émergeais vêtue, faisant luire l'eau d'une teinte irréelle de turquoise et d'azur.

Je laissais ma magie s'infuser dans l'eau du bassin avant de me laisser glisser sous l'eau. Je me sentais pleinement entouré par cet élément, en symbiose avec lui. J'étais entre ses mains, en pleine sécurité. Je laissais mon esprit s'ouvrir jusqu'à retrouver mon serviteur.

La présence de mes compagnons m'aidèrent à y voir clairement. Je voyais ce qu'il voyait, j'entendais ce qu'il entendait, je sentais ce qu'il sentait. Parmi toutes ses informations, l'une d'elle ressortit du lot. Non pas parce que mon serviteur avait la sensibilité pour le percevoir, mais moi si.

Toute de suite, je sus que c'était elle. Je percevais la nature particulière de son Arcane, unique en son genre. Ce n'était pas une trace rémanente ou faible : celle-ci se passait actuellement dans la ville de Gové, petite ville prospère au nord du pays. Et non loin de cette trace magique, je percevais également la présence du petit prodige.

L'Arcane que je cherchais avait réagi à la magie des deux mages sur la scène. D'où se trouvait mon pantin, je voyais les signes qui trahissaient leur trouble. Ce que je pouvais comprendre : des fleurs ne cessaient de jaillir des divers sorts lancés. Au moins, le prodige et son apprenti savaient maîtriser leur surprise, continuant leur spectacle comme si tout cela était prévu. Heureusement que c'était Beltaine : les fleurs passaient pour des clin d'œil pour honorer la fête de l'apogée du printemps et de la succession vers l'été. La manifestation la plus spectaculaire avait été le camélia. La fleur était issue de la magie d'un esprit de l'orage canalisé par le prodige et son apprenti. C'était magnifique au point que tous étaient complètement hypnotisés par ce tour.

Malgré toute cette magie manifestée, l'Arcane de la petite demeurait imperceptible. Je devais ma capacité à le détecter à mes années d'entraînement pour sensibiliser mes sens psychiques. Grâce à ces entraînements, je parvenais à discerner l'élément du Numen et de l'eau présent chez la petite.

Hasard ? Destin ? Bonne question, mais je devais faire attention à mes prochaines actions. Je ne prendrais pas le risque d'être démasquée : je me savais sous surveillance. Or, je n'allais pas laisser ce détail assombrir ce moment. Je venais enfin de trouver ce que je ne cessais de chercher après tant d'années à patienter. Je voyais enfin le signe qui annonçait le début de la fin de mon bannissement, de mon calvaire. Et surtout celui de l'Institut de magie, régenté par le Cercle des mages.

Ces pauvres conservateurs s'en mordront les doigts, car la vengeance est un plat qui se mange froid.

Me déconnectant des sens de mon serviteur, je lui lançais un simple ordre. Je ne pouvais laisser passer cette providence.

« Retrouve-la. Et ramène-la moi. »

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Et la voilà, la Sorcière bannie !

Un des personnages les plus... mémorables que je n'ai jamais écrit. Je m'amuse énormément en la découvrant, elle et son histoire (oui, oui, ce sont eux qui me content leur vie !). C'est une nouveauté pour moi d'aborder le point de vue de l'antagoniste (merci aux livres de Dan Brown et un de ses conseils qui m'a marqué).

Elle est déchirée par la vengeance, la colère, l'amertume. En même, ruminer sa colère pendant presque un siècle... Je vous laisse imaginé !

Sinon, vous en pensez quoi de la Sorcière bannie ?

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant