En me réveillant le matin suivant notre retour, je trouvais un manoir silencieux. J'étais même surpris de ne pas avoir été réveillé par l'odeur de la nourriture ou le raffut de bon matin de Lucaï et Thalia. Mais je n'étais pas assez fou pour ne pas profiter d'une matinée calme.
Après avoir fait ma routine du matin, je découvris que les autres étaient partis en tournée. Je savais qu'ils devraient revenir après le dîner, me laissant amplement le temps d'aller faire des courses. La veille, j'étais tombé sur un sortilège que je voulais essayer, mais il me manquait un ingrédient. Il pouvait peut-être m'aider à comprendre comment délivrer Thalia de sa malédiction.
Pressé, je me préparais tout en avisant Hestia :
— Il faut que j'aille chercher des plantes, mais je serais revenu avant les autres.
— Va s'y t'amuser, gamin, me répondit-elle avec taquinerie.
La porte se referma sur ces derniers mots tandis que mes pieds touchaient le sol de la ville de Gové. Cela faisait plus deux mois que je n'y étais pas retourné. La dernière fois, c'était lorsque j'avais annoncé à Dalya, la vendeuse de fleurs, que nous ne nous reverrions plus. C'était le cas : je venais sous une autre apparence. Il me fallait des articles en particulier, et j'étais certain que la boutique où elle travaillait possédait ce que je cherchais. Avec un nouvel habit et une nouvelle identité, je me dirigeais vers ce lieu. J'avais décidé sur un coup de tête de laisser mes cheveux au naturel, de sa teinte d'ébène sombre.
Sauf qu'en passant devant la boutique, je crus avoir des visions. Il y avait une très jolie demoiselle qui me rappelait beaucoup Thalia sous sa véritable apparence. Elles se ressemblaient beaucoup, à quelques détails près. La teinte de ses cheveux était dorée, mais elles partageaient les mêmes yeux sombres. Il y avait également le fait qu'elle portait une belle robe, non celle de jardinière que s'entêtait à porter notre mamie maudite. Celle-ci se tourna vers moi, me regardant avec perplexité.
— Bonjour, monsieur... ? me dit-elle poliment, d'une voix douce et interrogative.
Pouvant enfin la regarder de face, je sus que ce n'était pas Thalia, mais elle pourrait être son sosie. Tout en elle, de sa façon de parler et de bouger, me convainquit que ce n'était pas celle qui avait envahi mon quotidien deux mois plus tôt.
— Pardonnez-moi de vous fixer ainsi, m'excusai-je, me ressaisissant de mon trouble. Vous m'avez rappelé quel-
Me prenant par surprise, la jeune femme s'élança vers moi. Je reculais légèrement alors qu'elle agrippa mon bras pour s'exclamer, les larmes aux yeux :
— Vous avez déjà vu une fille qui me ressemblait ?! Où ça ? Quand ça ?!
Je gardais un instant le silence. J'ignorais pourquoi elle avait les larmes aux yeux, mais ce n'était pas une bonne nouvelle, j'en étais certain.
Je repoussais doucement la demoiselle.
— Une amie qui ne peut pas être vôtre sœur, mentis-je à contrecœur.
Le visage de la blonde se décomposait à ma réponse. Elle baissa les yeux, mais je l'entendis pleurer. Ses épaules tremblaient alors qu'elle acceptait le mouchoir que je lui tendis en silence. Elle balbutiait des excuses tout en essuyant ses larmes. Elle prit une lente respiration pour se ressaisir, resserrant ses doigts autour du tissu.
— Pardonnez-moi, monsieur, bredouilla-t-elle en relevant la tête. Je n'aurais pas dû vous sauter dessus... Vous voulez acheter quelque chose ici ? Je vous en prie, entrez.
La demoiselle blonde se décala d'un pas en m'invitant à la suivre. Je la remerciais en silence en la précédant dans la boutique. Je jetais un bref coup d'œil à la pièce, je remarquais plusieurs choses. Primo, je réalisais que la jeune femme était lié à la boutique, soit une employée ou fille du propriétaire. Secondo, le magasin semblait différent de la dernière fois, comme s'il manquait quelque chose. Tertio, je voyais bien que la jeune femme avait terriblement besoin d'une écoute, même si elle cachait ses émotions.
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L'Éveil de l'Arcane T.1
FantasyUne femme maudite. Un prodige mystérieux. Une immortelle bannie. Au pays Dendérah, les mages sont à la fois savants et fonctionnaires, tous sous la juridiction de l'Institut de magie. Enfin, pas tous. Cent ans plus tôt, un de leur membre a été bann...