48. Thalia face à ses doutes

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Comme me l'avait dit Hestia, je sortis en seulement quelques minutes du temple. J'avais longuement observé mes mains, la peur aux tripes de reprendre l'apparence de cette vieille femme. Ce fut lorsque les faibles rayons de lune touchèrent ma peau que je cessais de regarder mes mains.

J'étais encore moi, pour le moment.

Je lançais un regard derrière moi, alors que les dernières paroles de Zachir tournaient en boucle dans ma tête. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi honnête avec moi, avouant qu'il mentait. Le hic, c'était que je me demandais si je devais réellement croire qu'il m'avait jamais menti. Sauf que ma conscience me rappela que je n'étais pas plus apte à le juger : moi aussi, je lui mentais. Je ne lui avais jamais parlé de notre première rencontre, dans une ruelle sombre lors de Beltaine. Je ne lui avais pas confié que j'avais été maudite par la Sorcière, ni que cette dernière en avait après moi.

J'étais vraiment mal placée pour juger.

Surtout que ce n'était pas peur que je mentais. J'avais peur qu'il me rejette le premier jour. Puis, j'avais peur qu'il m'accuse de l'avoir manipulé pour le compte de la Sorcière. Et maintenant, j'avais peur qu'il ne me demande de quitter le manoir, qu'il ne veuille plus me voir à cause de tous ces mensonges. J'étais terrifiée à l'idée de le décevoir, de perdre tout intérêt à ses yeux. Je ne voulais pas quitter le manoir, ni notre pseudo-famille hétéroclite. Je ne voulais pas retourner à ma vie insipide et monotone. Mais je ne parvenais pas à chasser ce sentiment de culpabilité à l'idée d'abandonner ma famille de sang, eux qui devaient se faire un sang d'encre à cause de moi.

Et ce sentiment étouffant fit dévaler des larmes sur mes joues.

— Comment ne pas pleurer, sanglotais-je en me laissant glisser au sol, quand on découvre à quel point on est une imposture...

Je serrais mes bras contre ma poitrine, essayant en vain de contrôler le tremblement qui envahissait mon être entier. Je me sentais déchirée entre deux sentiments paradoxalement à l'opposé de l'autre, et qui faisaient ouragan en moi. Je le sentais comme un serpent de feu qui s'attaquerait à un chêne, arbre solide qui avait traversé les âges, pour lui faire cesser sa vie. Car, même le plus beau, le plus grand et le plus fort des arbres finissait par tomber, pour laisser sa place à la prochaine génération.

Mais alors, pourquoi ces gens me semblaient plus importants que ceux qui partageaient ma chair et mon sang ? Comment peut-on se sentir plus proche de certains individus que ceux avec qui on partageait nos vies depuis toujours ?

— C'est tellement stupide de désirer quelque chose d'aussi fragile... Si insécure. Merde, merde, merde !

Je passais rageusement les mains dans mes cheveux, puis je frottais mon visage. Le frottement du sel de mes larmes me tira une grimace. Je n'avais jamais apprécié cette sensation lorsqu'on essuyait ses larmes. Cette eau était légèrement chaude et elle était irritante, s'acharnant à garder une trace sur la peau. Ce liquide me donnait l'impression d'exacerber mon ressenti sur le visage : le vent, la température, tout ça n'avait plus la même perception après avoir pleurer.

Tout semblait si différent, alors que rien n'avait réellement changé.

J'ignorais depuis quand j'étais seule sous le ciel étoilé, mais je finis par me tanner d'être sans rien faire. Je partis donc récupérer du bois à l'extérieur, faisant le tour du temple avec lenteur. Pleurer m'avait fait du bien, même si cela m'avait fatiguée. Je n'aimais pas cette sensation de fatigue après avoir pleuré.

Mon regard était attiré par le ciel étoilé, pourvu d'un fin croissant de lune. Je me sentais apaisée, détendue en laissant mon esprit se perdre dans la multitude de la nuit. Si les ténèbres semblaient maîtresses, les étoiles apportaient leur lot de lumière pour participer au spectacle sous mes yeux.

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant