52. Thalia a pris sa décision

0 0 0
                                    

Une heure après avoir appris la mort de Thosia, je me retrouvais dans mon petit jardin, seule. Lucaï et Zachir, les deux semblaient être absents, une bonne chose pour moi. Ce fut plus compliqué avec Hestia par contre. Elle avait voulu engager la conversation à mon arrivée, mais je l'avais ignorée en m'enfuyant. Je présumais qu'elle avait compris que je voulais être seule : si elle avait voulu me rejoindre, elle n'aurait eu qu'à enfiler ses bottes magiques.

Dans notre pays, il était coutume de laisser un bouquet de fleur composé de chrysanthèmes sur le bord d'une fenêtre ou une couronne de fleur sur la porte pour annoncer un deuil. Ainsi, sans rien dire, tous savaient qu'une famille vivait la perte d'un proche. Les proches de la famille endeuillée pouvaient par la suite offrir d'autres bouquets pour ensevelir la tombe de fleurs. Même si les gens ne connaissaient pas la raison derrière cette coutume, je trouvais que c'était une belle reprise de ce que fait la nature lors de l'arrivée de l'automne. Beaucoup d'arbres et de plantes perdaient leur feuillage pour recouvrir le sol pour le protéger lors de son voyage à travers l'hiver. À l'image de ce que faisait déjà la flore, je trouvais cette coutume magnifique et très bien choisie.

D'où la raison pour laquelle je tressais une couronne avec ce que j'avais dans mon jardin.

— Les astéréomètres sont de belles fleurs, sa floraison colorée et longue qui dure tout l'été... Symbole de l'amitié, elles me font penser à toi, ma chère Thosia, murmurais-je.

À mes yeux, les fleurs représentaient une symbolique de la vie, par sa fragilité et son éphémérité. Tant de fleurs s'épanouissaient dans la nature, et chacune possédait son propre chemin de vie. Certaines ne fleurissaient qu'une fois dans leur vie, d'autres ne duraient qu'une journée, comme qu'ils y en avaient qui gardaient leur parure tout le long de la saison.

Elles me rappelaient l'éphémérité de la vie, et de ce que nous avons. La fleur offrait sa beauté, sa vulnérabilité et sa vie sans savoir ce qu'on lui offrirait le lendemain. Je ne voulais plus attendre comme une roche. Je voulais moi aussi atteindre le soleil, même si ce sera long et pénible.

Je baissais les yeux lorsque je remarquais n'avoir plus rien à tresser : la couronne était terminée. Je contemplais cet ensemble de torsade de fleurs : alstroemeria, orchidées, solidago et quelques pavots pour compléter le tout.

Alors, ayant fini cette tâche, je retirais la bague à mon doigt pour la ranger près de mes fleurs. Puis, je m'enfuis avant que Baffie puisse me dire quoi que ce soit.

« Je devais me dépêcher et cacher ma main avec la couronne», pensai-je en retournant dans le manoir. Il ne fallait pas qu'on sache que j'avais retiré ma bague.

À nouveau, sans même un regard pour Hestia, je sortis. Du moins, c'était ce que je voulais faire, mais la porte ne s'ouvrit pas sur le village de Dobrum.

— Thalia, où veux-tu aller ?

Même si Hestia avait utilisé une question, ça sonnait à mes oreilles plutôt comme une exigence. Elle devait se douter de quelque chose, mais je ne comptais pas laisser tomber.

J'avais pris ma décision, et je devais assumer. Je devais prendre ma vie en mains.

— ... Je dois me rendre sur la tombe de mon amie.

Ce n'était pas un mensonge, mais ce n'était pas toute la vérité non plus. Un silence s'installa entre nous. Je gardais les yeux rivés sur la porte et sur les gravures complexes du bois. Je me demandais quelle était la raison pour laquelle Hestia était soudainement silencieuse. Était-elle mal à l'aise par rapport au sujet de la mort ? Cette hypothèse ne me semblait pas être la bonne : les Faesidhs ne devaient pas avoir le même rapport à la mort que les humains. Alors, cherchait-elle à trouver quoi me dire pour me réconforter ? Ou encore pour me dissuader de sortir ?

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant