L'Éveil de l'Arcane T.1

32. La Sorcière des rêves

PDV de la Sorcière bannie, à la fois dans les Plaines de la Mort et dans les Mondes Subtils.

Ça faisait un moment que j'étais en transe, à patienter. Je nageais sur les eaux de l'Akasha, un des mondes invisibles. Ici, les concepts comme la gravité, l'espace et même le temps ne respectaient plus les mêmes lois que dans notre monde. Le haut et le bas relégués au second plan, il était aisé de se laisser impressionner, ou devenir fou, au choix.

Une créature semblable à un jeune tapir s'approcha de moi. Il avait des membres courts, mais un corps plutôt massif pour sa taille. Cela ne l'empêchait pas de tournoyer autour de moi. Je laissais mon regard se perdre sur son pelage mi-tacheté mi-rayé. Le blanc des rayures et des tâches luisaient dans l'Akasha, contrastant fortement avec son pelage ocre, d'un brun orangé. La forme juvénile de Baku, esprit des rêves, étaient d'une beauté attendrissante. Or, connaissant la nature dissipée du Faesidh, je m'étais remise depuis longtemps de son apparence adorable. Je le laissais faire ses simagrées, mais une énergie frémit autour de moi. D'un coup, Baku et moi cessions de virevolter dans l'Akasha.

La petite venait de plonger dans le monde des rêves. Enfin.

Un coup d'œil à mes côtés me confirma que Baku avait changé de forme. Je n'avais rien contre sa forme inoffensive, mais j'avais une nette préférence pour celle qui arborait. Il avait pris du volume d'une taille semblable à celle d'un cheval. Sa peau cuirassé était d'une solidité que personne n'avait pu comprendre. Son corps changeait d'état ; il pouvait devenir intangible à ce qu'il désirait.

C'est lors de notre première rencontre que j'avais été réellement initiée aux mystères du Numen. Quelques années après mon intronisation à l'Institut de magie, j'avais été mandaté par le Cercle des Mages. D'étranges rumeurs parcouraient la région YX du pays à cet époque sur un fantôme. Selon certains témoignages, le fantôme terroriserait tous ceux qui osaient s'aventurer dans une partie de la forêt, à des moments aléatoires. J'avais donc pris la décision de me rendre sur place. Être un mage impliquait une part de responsabilités dont celle d'enquêter sur ce que la police ne pouvait pas avoir main prise.Ce fut une merveilleuse rencontre, et une merveilleuse découverte. Baku n'avait pas d'enveloppe corporelle physique, car il était adapté pour le monde intangible de l'Akasha. Ce monde invisible pour nous ne l'était pas pour lui.

Chevauchant Baku, nous quittions l'Akasha pour nous glisser dans Kamaloca, le plan des rêves. Plongeant dans l'eau, nous en ressortîmes presque aussitôt, suivant la mélodie de l'esprit de la petite. Je découvris un étrange lieu, ou du moins, un amalgame de plusieurs lieux. Je reconnaissais les prairies qui entouraient la ville de Gové, mais on se trouvait au milieu de nulle part. À droite se trouvait la boutique familiale et à gauche se trouvait un drôle d'engin.Ce devait être l'endroit où elle vit, donc ce devait être le manoir du prodige. Plutôt impressionnant, il pouvait se vanter de son invention.

Je voyais la petite regarder les deux endroits, les deux ballants de sa vie. La pauvre, elle était complètement sous le joug de ses rêves. Je percevais son désemparement suinter son rêve, déformant la réalité de l'imaginaire. Une tempête entourait l'endroit, mais elle ne l'atteignait pas comme si nous étions dans l'œil de la tornade. J'entendais le tonnerre gronder au loin, mais aucun éclair zébrait le ciel. Le tout semblait suspendu, comme si elle avait arrêter le temps. Et là, comme surprise par quelque chose que je ne voyais pas, elle fit volte-face.

Nos regards se croisèrent, et ils bloquèrent l'un dans l'autre. Je le soutenais, me demandant comment allait-elle réagir à ma présence. Son regard, au début hagard, sembla s'éclaircir. Elle venait de s'éveiller dans son propre rêve, ou ce que je nommais, la lucidité onirique. Elle cligna plusieurs fois des paupières, avant de réaliser pleinement ma présence. Elle recula d'un pas, sans même chercher à cacher sa peur et sa méfiance à mon égard. La petite ne s'attendait pas à me trouver là. La pauvre, elle réalisait que je pouvais la trouver ou qu'elle soit, même dans ses rêves.

Fuir ou répliquer ? Que va-t-elle choisir ?