46. Thalia, les ténèbres et le sable

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Il avait fallu cacher le manoir dans les Alpes avant de le quitter, grâce à la porte magique. Ce fut Zachir qui s'occupa de trouver notre point de départ, dans un village qui répondait au nom de Gophère. Lucaï avait eu la bonté de me montrer, grâce à un atlas, où nous allions après le déjeuner. Cette bourgade, surtout visitée par les nomades, se trouvait près de la côte Ouest du pays, rejoignant le désert du même nom. Si nous ne prenions pas la porte magique du manoir, il faudrait compter sur pratiquement deux semaines de voyages. Heureusement, nous allions débarquer directement dans le village de Gophère pour ensuite prendre la route vers le domaine d'Éfrit. Selon Lucaï et Zachir, nous devrions l'atteindre bien avant le coucher du soleil.

Lorsque, à mon tour, je franchis la porte du manoir, je lâchais une exclamation de surprise en découvrant cette petite bourgade. Nous étions sur une petite falaise, qui semblait séparer deux mondes diamétralement opposés. À l'ouest, derrière le rivage, et à contre-bas, je pouvais voir l'étendue d'un désert. Bon, il n'avait rien à regarder en particulier, mais c'était la première fois que je voyais un désert. J'inspirais à pleins poumons, découvrant les odeurs subtiles de cet océan de sable. L'air y était sec et chargé de chaleur, comme les pierres réchauffées par le soleil lors des journées très chaudes d'été. Une puissante rafale de vent m'atteignit, faisant virevolter mon turban et mes quelques cheveux libres dans tous les sens. Une euphorie me saisit et je me mets à rire. Je n'arrivais pas à croire que je découvrais réellement un nouveau paysage, comme j'avais mainte fois rêvé.

Un nouveau coup de vent et me voilà en train d'immobiliser le tissu qui aura pour rôle de me protéger du sable. Surtout que les vents du désert étaient particulièrement désagréable pour la peau.

— Arrête de rêvasser et viens, mamie Thalia ! s'écria la voix juvénile du garçon qui me faisait de grands signes de la main près d'un monte-charge.

Les rejoignant d'un pas tranquille, j'observais à contre-bas la machinerie. Cette dernière semblait plutôt ancienne, quoique tout de même bien entretenue. Elle servait de lien entre le village et le désert, autant pour les miniers que pour les marchands nomades. En arrivant près de Zachir, j'entendis son jeune apprenti parler dans un dialecte qui m'était inconnu avec un natif des lieux. Vu leur ton de voix enjoué, ils semblaient se connaître.

— Dis, est-ce le village natal de Lucaï ?

— Pas celui-ci, mais c'est un relais que tous les nomades connaissent. Et les nomades se connaissent tous entre eux.

Je tournais la tête au moment où le petit et le natif de la région échangèrent un geste de salutation qui m'était vaguement familier. Ils croisèrent leur avant-bras qui formèrent un « X » en prononçant un mot dans cet étrange dialecte. J'en déduisais que c'était leur façon de se quitter par ici, et cela se confirma lorsque l'homme nous invita à grimper à bord.

Suivant les deux garçons, je grimpais en silence dans la cabine qui ballottait légèrement.

— Bon voyage à vous tous ! s'exclama l'homme dans la langue populaire en actionnant un mécanisme. Que les esprits vous protègent !

Un sifflement à vapeur se fit entendre avant que le monte-charge se mette en branle. Lorsque nous avions disparu de la vue du natif, Hestia réapparut de je-ne-savais-où. Je penchais la tête dans sa direction sans rien dire en dépit de la question qui me brûlait les lèvres : où était-elle passé ? S'était-elle cachée ? Si oui, comment avait-elle fait ?

Celle-ci tourna la tête vers moi, comme si elle m'avait entendue penser. Je me figeais alors qu'elle me fixait en dévoilant doucement un sourire taquin. De toute façon, le système mécanique de la machinerie faisait trop de bruit pour me permettre de lui demander des éclaircissements. Au bout de longues minutes, la nacelle ralentit avant de se stabiliser près d'une plateforme nous permettant de descendre. Rodé par l'expérience, Lucaï se chargea de nous faire descendre de l'engin après avoir habilement ouvert la double porte en grillage. Ça paraissait bien trop évident qu'il était natif du coin. Un monde très loin de la vie paisible de Gové, de celle du manoir volant ou encore de l'Institut de magie.

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant