29. Les manigances de la Sorcière

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PDV de la Sorcière bannie, sous terre, dans les Plaines de la Mort.

Immergée dans le seul bassin de ma cachette, je sortis de ma méditation à cause d'une perturbation. Gardant les yeux clos, je laissais mes sens magiques me guider jusqu'à la flora. Le trouble provenait de la petite. Ces derniers temps, son esprit appelait de plus en plus souvent mon nom. À chaque fois qu'elle laissait le doute, qu'elle pensait à moi, c'était comme si elle laissait une fenêtre ouverte dans son esprit. Et ce genre d'ouverture me permettait d'entrer, et de suivre son évolution. J'en profitais pour m'immiscer dans sa psyché. Je souris doucement en percevant à quel point le doute prenait place en elle. Tout comme le fait qu'elle était à proximité de d'autres Faesidhs. Le prodige n'était pas à ses côtés.

Autant en profiter.

— Eh bien, petite flora, vas-tu basculer ou continuer à douter ? m'enquis-je à voix haute, les yeux toujours clos.

— Il est encore trop tôt, maîtresse, me répondit une voix sifflante aux intonations féminines.

J'ouvris les yeux pour les poser sur le serpent des eaux qui s'enroulait autour de moi pour venir poser sa tête sur ma poitrine. Mon regard dériva sur mes autres compagnons Faesidhs présents dans la pièce. Or, un coup de langue de serpent ramena mon attention sur ma compagne, la Faesidh avec qui j'avais passé mon premier contrat.

Je souris à ce comportement pour ensuite dire sur un ton railleur :

— Serais-tu jalouse de l'attention que je porte aux autres, Mami-Wata ?

Un sifflement agacé résonna dans les airs, m'arrachant un rire. Je caressais tendrement les écailles du serpent parlant avant de poser un regard sur mes autres compagnons. Yacuruna ouvrit ses yeux de crocodile sur moi avant de se tourner vers Baku. C'était une créature merveilleuse des rêves et des cauchemars. Il prenait la forme de trois petits fantômes dont l'apparence était un mélange entre un léopard et le visage d'un sanglier. Il pouvait autant avoir une apparence adorable que effroyable pour les plus courageux.

— M'accordez-vous votre soutien pour la suite des événements ? demandai-je d'une voix douce à mes compagnons.

Je souris alors qu'ils s'approchaient pour me prêter leur pouvoir. Leurs énergies m'entouraient comme la plus douce des soies et me transportaient encore plus haut dans ma magie de divination. Une lumière variant entre le bleu et le violet s'éleva de l'eau chaude, illuminant la petite grotte où nous nous trouvions. Empruntant les talents innés de Baku pour les rêves et ceux de Yacuruna pour la persuasion, je soufflais des paroles dans l'esprit de ma proie, usant de l'essence de la petite qui se trouvait dans ses cheveux. Je lui fis rappeler ses doutes sur son propre bonheur, sa culpabilité d'avoir dû abandonner sa famille. Savamment, je construis une pelote d'émotion qui allait travailler la petite flora et qui allait lui retourner l'esprit. Je ne créais rien, je ne faisais qu'orienter ce qui existait déjà dans l'esprit de ma proie, pour la forcer à faire face à ces pensées. Comme toutes humains, elle cachait ses pensées sombres d'elle-même, et j'avais la capacité de les faire ressortir malgré elle.

Or, l'intervention d'un Faesidh aux côtés de la flora me força à reculer : il venait de m'éjecter de la psyché de la petite. Je poussais un grognement mécontent en reprenant conscience dans mon corps. Malgré que j'étais parvenu à construire cette boule d'émotion, je ne pensais pas qu'elle serait aidée aussi rapidement.

— Maudite flora et leur pouvoir ! m'exclamai-je en balayant l'eau d'un mouvement rageur.

— Nous, les Faesidhs, sommes attirés par son pouvoir, expliquaient en chœur les trois fantômes d'une seule voix caverneuse. Il fallait s'attendre à ce que les nôtres remarquent vos intentions et interviennent. Après tout, les Faesidhs se manifestent en dépit du principe de mal et bien. Ils font ce qui va dans leurs intérêts.

— Elle semble si délicieuse..., rajouta Yacuruna en caressant mon bras nue pour me détendre. Bientôt, elle viendra nous rejoindre, maîtresse.

Je frémis en me détendant sous les attentions de mes compagnons jusqu'à ce que le visage triangulaire de Mami-Wata se trouve face à moi. Elle me fixa de son regard reptilien, me chatouillant le bout du nez de sa langue. Cela m'apaisa complètement alors que je posais un doux baiser entre ses yeux.

— Maîtresse, vous allez y arriver, mais nous devons agir lorsqu'ils s'y attendront le moins, me rappela Mami-Wata alors que sa langue fourchait sur les « s ».

J'acquiesçai de la tête en levant la tête vers le plafond. L'eau éclairait les parois de teintes variant entre le vert, le bleu et le violet. Il m'avait fallu beaucoup de temps et d'énergie pour créer ce lieu où je pouvais être avec mes compagnons. Le seul lieu où je parvenais à maintenir une grande quantité d'eau me permettant d'être à proximité d'eux. Je fermais les yeux en soupirant, faisant la planche dans l'eau. Mes compagnons Faesidhs se blottirent contre moi dans le bassin.

— Bientôt, nous allons quitter ce lieu de malheur et rentrer chez nous. Merci, mes compagnons de votre indéfectible soutien.

— Nous savons. Nous sommes à vos côtés, maîtresse, me répondirent tous en chœur.

Je sentais leur soutien tel une douce chaleur naître dans ma poitrine. Cette chaleur, les dernières sensations humaines que je possédais encore, était un cadeau inestimable. Je fermais les yeux, profitant de ce moment avec mes compagnons, ces mêmes compagnons qui m'avaient été arrachés lors de mon bannissement. Dans ce désert, je n'étais pas en mesure de leur garantir un environnement pour eux. J'avais dû travailler pendant cinq longues années sans répit avant de terminer cette pièce où ils pouvaient vivre à mes côtés. Ainsi, ils allaient et venaient sans être contraints.

Contrairement à moi.

Cependant, le plus important était que j'allais bientôt mettre fin à cette injustice. J'avais déjà patienter très longtemps, je pouvais encore le faire. Il fallait seulement que j'attende de voir le prochain coup dans ce jeu d'échecs. Il me fallait m'adapter à mon adversaire pour mieux obtenir ce que je désirais.

« Qu'importe ce que tu feras, petite flora, je parviendrais à mes fins. La défaite n'est pas envisageable. Que tu viennes à moi ou que tu te lies à ton compagnon, je gagnerais. Alors, distraie-moi jusqu'à ce que je puisse enfin te cueillir. »

Tournant ma tête vers le trio de fantôme de Baku, je lui fis part :

— La prochaine fois qu'elle sera fragile, nous allons influencer ses rêves. Soyez très attentifs aux bouleversements émotionnels.

Je regardais chacun d'entre eux avant que Yacuruna ne détourne le regard. Je suivis la direction où il regardait, devinant rapidement à quoi il pensait.

Perplexe, je lui demandais :

— Comment va notre invité ?

— Il a arrêté de hurler depuis quelques jours, mais je sens qu'il est prêt pour une première séance, me répondit le Faesidh crocodile. Du moins, après une douche. Les humains empestent très rapidement.

Je ris à sa remarque, ne pouvant que lui donner raison.

Me ressaisissant, je réalisais qu'il avait raison : mon nouvel cobaye était enfin tombé d'épuisement. Il avait été très obstiné, résistant pendant plus d'une semaine. J'avais dû le sevrer et le surveiller en permanence pour qu'il ne fasse pas une bêtise. Maintenant que les préparatifs étaient finalisés, je pouvais enfin commencer. La patience payait toujours.

Après tout, les proies les plus récalcitrantes étaient les plus intéressantes. 

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Chapitre bonis ! Pour me faire pardonner le retard ^^

Un chapitre court, mais on entre dans l'intimité de la Sorcière et de ses compagnons. 

Saviez-vous que chacun d'eux est une référence mythologique ? Enfin, pratiquement tous les personnages, artéfacts magiques,, éléments étranges et même le nom du pays font référence à la mythologie, une légende ou l'histoire.

De plus, on en apprend un peu plus sur ce que je vais vulgairement appelé « la culture des Faesidhs». En effet, les Faesidhs ont une vision très différente du monde, dont le principe de bien et de mal.
Vous, vous en pensez quoi ? 

L'Éveil de l'Arcane T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant