L'Éveil de l'Arcane T.1

49. Zachir est désemparé

J'avais été le premier à me réveiller, mais je préférais laisser les autres se reposer. Le feu brûlait autour des dernières braises et d'une Faesidh qui sortait doucement du sommeil. Elle émergea des flammes comme si ces dernières étaient un simple rideau. Elle racla les braises de ses griffes avant de s'étirer comme le ferait un félin. Je la saluais en silence, ne désirant pas réveiller Thalia ou mon apprenti. Au petit matin, Lucaï et Éfrit étaient revenus du rituel. Si l'esprit du désert restait égal à lui-même, le petit paraissait épuisé. Sa tignasse avait pâli — sans doute dû à la poussière — tandis que sa peau et ses vêtements conservaient les traces du rituel. Il y avait des tâches sombres ici là où le tissu n'était pas aussi sec que du papier rêche. Le petit s'était écroulé de fatigue après avoir levé difficilement un pouce en l'air : il avait réussi l'épreuve de Salomon. Depuis, il roupillait comme un bébé sous la surveillance de l'esprit du désert. Ce dernier m'avait simplement souri en m'affirmant que tout s'était bien déroulé.

Du coup, ça tombait sur Thalia et moi de nous occuper de rassembler toutes nos affaires.

Un coup d'œil vers notre mamie me confirma qu'elle dormait encore. Je n'avais pas le cœur à la réveiller tout de suite. Même si elle s'était endormie la première, nous avions veillé tard ensemble. Pendant ces quelques moments, j'oubliais la réalité. Je n'étais qu'un homme avec une femme, partageant un agréable momnet... Enfin, jusqu'à sa drôle de question. Je n'étais même pas certain si elle avait entendu ma réponse. J'avais été surpris qu'elle aborde un sujet personnel la concernant. Elle parlait si rarement d'elle. Elle tournait toujours les discussions vers l'autre ou elle discutait sur des sujets superficiels. Elle m'avait toujours paru comme étant un livre écrit dans une langue étrangère, et encore aujourd'hui, cette image lui seyait. J'avais été pris au dépourvu, mais j'avais tout de même été sincère. Le doute, la gentillesse et l'introspection étaient à la fois ses forces et ses faiblesses. Se remettre en doute était quelque chose d'important et d'indispensable que beaucoup ne faisaient pas, j'inclus également les mages. Thalia était capable de s'adapter bien plus qu'elle ne le pensait grâce à son doute éternel. Malheureusement, cela pouvait jouer contre elle, la paralysant au moment de prendre une décision. Il en était de même pour sa gentillesse et sa capacité d'introspection : le premier l'aida à gagner la confiance des autres, mais on pouvait en abuser ; et le second l'enfermait sur elle-même au lieu de l'ouvrir sur l'extérieur.

Mais j'avais foi en Thalia. Elle saura trouver le juste milieu de ses capacités, mais il fallait qu'elle le fasse seule. Enfin, si un Faesidh acceptait de se lier avec elle.

Savait-elle que je savais pour son Arcane ?

— Il faudrait sans doute qu'on en parle, pensai-je à voix haute.

Je soupirais tandis que je terminais de préparer le café. Il était bientôt midi, et j'étais en train de me convaincre de réveiller la marmotte ronflante. J'appréhendais la suite, surtout pour elle. Thalia avait encore son apparence véritable, mais je ne voulais pas la confronter à la cruelle réalité : elle était encore et toujours sous le joug d'un sortilège. Cela faisait deux mois qu'elle était prise avec ce maléfice. Se rendre ici n'avait pas été une bonne idée : elle allait devoir voir son frêle espoir se disloquer entre ses mains en sortant du domaine. J'espérais seulement qu'elle allait avoir les épaules assez fortes pour ne pas se laisser au découragement.

Je n'avais toujours pas dit mon dernier mot, et je n'étais du genre à abandonner. J'allais l'aider.

Le bruit des braises qui craquaient m'apprit que l'esprit du foyer venait de sortir de son lit de feu. Celle-ci était recouverte de suie, mais cela ne l'empêcha pas de venir se coller sur moi. Je fis une petite grimace en soufflant :

– Tu viens de tâcher ma tunique, peste.

– Arrête de faire ta princesse, rétorqua-t-elle à voix basse. Tu comptes la laisser dormir, non ?