Chapitre 6

7 1 0
                                    

Alea : Le bonheur ?

Ce mot qu'a prononcé Meyla, il reste coincé dans ma tête et j'y repense encore et encore, allongée sur le lit, les yeux rivés vers le plafond en bois. Elle a peur ? Elle doute de ses capacités ? De la faisabilité de cette quête ? Alors... Pourquoi est-elle venue... Mais bon, qui suis-je pour la critiquer ? Après tout, je suis venu ici par pur dépit... Je n'avais nul part d'autre où aller... J'ai juste suivi mon instinct en fuyant la chute de l'humanité et maintenant je me retrouve ici, en enfer... Un petit courant d'air venant la fenêtre ouverte vient doucement me caresser la peau et le visage. Pourquoi ne pas le chercher, maintenant que je suis ici... Plusieurs petits coups contre ma porte viennent m'interrompre.

Alea : Oui ?

Je me redresse pendant que la porte s'ouvre, laissant ainsi entrer Hayle. Elle me tend directement le carnet que je lui ai prêté.

Hayle : Tiens, j'ai oublié de te le rendre.

Me le rendre ?

Alea : Ce n'est pas le mien, tu le sais ?

Hayle : Oui mais c'est toi qui l'as trouvé.

Je me lève et l'attrape.

Alea : Ah... Merci...

Hayle : Même si j'ai lu les premières pages, c'est à toi que revient le droit découvrir son contenu.

Découvrir son contenu ? je me rassoie et l'observe longuement entre mes mains.

Hayle : D'ailleurs, tu devrais prendre soin de ce genre d'objets imbibés du passé, surtout dans une situation comme la nôtre.

Je pose le livre sur le lit, à côté de moi, tout en m'allongeant à nouveau, les yeux rivés au plafond.

Hayle : Je suis surprise de voir une fille aussi jeune que toi parmi nous...

Ses paroles attirent tout de suite mon attention, même si je m'attendais à ce genre de remarque en m'aventurant dans la Pyramide.

Alea : L'ensemble du groupe reste assez jeune quand on y pense.

Ma réponse l'a fait sourire.

Hayle : Trente-six ans et déjà la doyenne...

Je me disais bien qu'elle était plus âgée que Piret.

Alea : Hayle...

Hayle : Oui ?

Je me redresse.

Alea : Est ce que tu crois qu'il existe un bonheur éternel ici ?

Perturbée, elle ne dit rien pendant un court instant.

Hayle : Pourquoi ?

Alea : C'est une réflexion que je me suis faite en parlant avec Meyla tout à l'heure. Elle doutait de son existence... Elle avait peur.

Hayle : Elle s'est élancé dans la pyramide pour le trouver, comme le reste du groupe.

Comme le reste du groupe ?

Alea : Tu n'en fais pas partie ?

Hayle : Si, bien sûr, qui irait s'aventurer dans un lieu comme celui-ci sans avoir espoir en un trésor caché ? J'espère juste que ce bonheur me permettra de combler ce que mon mari n'a pas réussi à faire...

Son visage se ferme et toute expression disparaît petit à petit.

Alea : Votre mar–

Hayle : Je l'ai tué... De mes propres mains... C'est pour ça que je suis ici, je suis venu chercher le bonheur pour qu'il comble mes problèmes.

Elle baisse la tête et observe la paume de ses mains.

Hayle : J'avais le choix entre la pyramide ou la prison... Aller chercher le bonheur ou la mort...

Le timbre de sa voix change. Je n'ose pas intervenir, la laissant me raconter tout ce qu'elle a à me dire en silence.

Hayle : Pourquoi...

Elle serre alors les mains pendant que son visage se crispe, créant un mélange de rage et de regrets.

Hayle : Pourquoi est-ce que j'ai épousé un tel homme ?

Sa main droite vient caresser son avant-bras gauche marqué d'une longue cicatrice allant de son poignet jusqu'à son coude.

Alea : C'est lui qui t'a fait ça ?

Hayle : Oui, avec un couteau...

Alea : Qu'est ce qu'il c'est passé ?

Hayle : Un soir où je revenais de la bibliothèque où je travaillais, je l'ai retrouvé ivre mort dans la cuisine... Battant ma fille... Notre fille...

Elle serre tellement fort sa cicatrice avec sa main droite qu'elle en tremble.

Hayle : Je me suis interposé pour arrêter ce massacre mais c'était trop tard... c'est à ce moment qu'il a attrapé un couteau pour m'agresser. J'ai utilisé mon bras pour me protéger. Une fois l'arme dans ma peau, il s'est reculé et prise de rage, j'ai pris le couteau et l'ai agressé à mon tour, enfonçant l'arme encore et encore dans son corps.

Elle finit par calmer sa rage, libérant ainsi son corps de toute cette pression, avant de passer sa main sur un bracelet fait à la main, accroché à son poignet gauche.

Hayle : Elle avait quatorze ans...

Alea : Je– Je suis désolée.

Elle ne dit rien, relevant seulement la tête, marquée par ses changements d'émotions. Ses phrases résonnent dans ma tête. Chercher le bonheur éternel ? C'est ce que tout le monde cherche ici... Sauf moi...

Hayle : Et toi ?

Alea : Hein ?

Hayle : Qu'est ce que tu penses de tout ça ?

Alea : Moi ?

Je soupire et me rallonge sur le lit.

Alea : Je ne sais pas quoi en penser.

Mes yeux restent rivés sur le plafond.

Alea : Je suis venue ici sans but, sans objectif. Moi aussi je voulais fuir mais maintenant que je suis ici je ne veux plus... Enfin... Non, c'est plutôt que je ne sais pas où fuir.

Je voulais juste trouver un peu d'espoir, mais maintenant où est-ce que je vais ?

Hayle : Tu ne te sens pas vide ?

Quelqu'un vient alors taper contre la porte.

Piret : Hayle, j'ai besoin de toi !

Hayle : J'arrive !... Bon, je te laisse.

Elle quitte la pièce, me laissant seule. Je tourne ma tête pour me trouver nez à nez avec le carnet qu'elle m'a donné.

Alea : Vide ?

Ce n'est pas ça... C'est autre chose... C'est ce qu'il s'est passé cette nuit-là. J'essuie une larme qui se forment aux coins de mes yeux tout en repensant aux visages de mes parents, vide de toute expression et de vie.

Alea : Qu'est ce qu'il s'est passé...

La Pyramide de DieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant