Chapitre 05 - L'Épicerie Gourmande

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En se garant sur l'axe principal du village, devant chez Tony, Lila fut surprise de découvrir une devanture flambant neuve sur le trottoir d'en face. Après des mois caché derrière une bâche de plastique blanc, le nouveau commerce était enfin ouvert. La jeune infirmière comptait bien explorer les lieux, mais d'abord, son devoir l'attendait : Francis était de retour de l'hôpital et ses soins quotidiens avaient repris.

Lorsqu'il lui ouvrit la porte, Francis Pastis arborait un teint radieux, loin des joues rouges qu'on lui connaissait habituellement. Il accueillit Lila en lui tendant un bouquet de jacinthes bleues et une boîte de chocolats :

— Tiens, ma belle. Je voulais te remercier pour ce que tu as fait. Sans toi, j'serais entre quatre planches à l'heure qu'il est !

— Vous n'étiez pas obligé ! susurra-t-elle en lui faisant la bise. C'est très gentil et je vous avoue que le chocolat est l'une de mes grandes passions.

Lila était très touchée par l'attention de M. Lambert et ne s'attendait pas à autant de gratitude. Certes, elle lui avait sauvé la vie, mais rares sont ceux qui reçoivent des fleurs en faisant leur métier !

— Figure-toi que je les ai achetés chez le jeune, en bas.

Francis désigna sa fenêtre d'un signe de tête.

— À la nouvelle épicerie ? J'ai vu que les travaux étaient terminés.

— Franchement, c'est super. Ça va nous faciliter la vie.

— Je passerai y faire un tour ! s'enthousiasma l'infirmière.

Dans le même temps, elle testa la glycémie de son patient : tout était normal.

— Comment vous vous sentez depuis votre sortie ? demanda-t-elle en rangeant le matériel dans sa sacoche.

— J'suis frais comme un pinson !

L'infirmière se retint de pouffer, Francis et son don pour mixer les expressions la faisaient mourir de rire. Il fallait vraiment qu'elle commence à rédiger la liste des phrases improbables que lui avaient sorties ses petits vieux !

— Ils m'ont bien retapé à l'hosto ! poursuivit-il, très sérieux. Mais ça m'a fait de la peine pour Félix, j'ai pas pu assister à son enterrement.

— J'y suis allée, tout le village était très triste. Il faut dire que personne ne s'y attendait !

— Je me doute, et puis c'était quand même une des figures du village !

En rangeant ses affaires, Lila repensa soudain à Arlette.

— En parlant de figures du village, vous connaissez Madame Guichard ?

— Arlette ? On n'est pas vraiment de la même génération, mais quand j'étais gosse, je me souviens que son père était premier adjoint au maire. Tu sais, ici, tout le monde se connait plus ou moins ! Pourquoi ?

Comment allait-elle se sortir de ce bourbier maintenant ?

— Euh, non, comme ça, bégaya-t-elle. Elle m'a semblé très confuse pendant les obsèques. Je me demandais si Félix et elles avaient été... proches.

Elle ne trouva rien de mieux comme explication, mais Francis ne paraissait pas suspicieux. Il réfléchit un instant et répondit :

— Ils ont grandi ensemble, alors à l'époque, entre ce qu'on sait et ce qu'on sait pas... On était des gamins de ton âge, vingt ans, tout au plus.

— C'est gentil de me rajeunir Francis, sourit Lila, mais j'aurai trente ans dans quelques mois à peine !

— Oh, c'est pareil ! Pour moi, tu restes une gamine et quand j'dis gamine, c'est pas méchant, hein ! C'est affectueux et c'est parce que j'suis vieux. En tout cas, je n'ai jamais entendu quoi que ce soit sur ces deux-là. En plus, je connaissais bien Félix et il était fou de son épouse, c'était pas un homme à femmes.

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