— Alors ? Qu'est-ce qu'on fête ? interrogea Aimée tandis qu'Arlette les conduisait sur sa terrasse.
— L'arrivée du printemps ! répondit-elle avec un sourire énigmatique. Attendez-moi là, je vais chercher la salade et le pain.
— Je vais vous aider, s'empressa de proposer Lila.
— C'est pas la peine, ne t'inquiète pas ! Asseyez-vous, Johan est déjà là.
En entendant son nom, le cœur de Lila se serra. Une chaleur soudaine envahit son visage et ses mains devinrent moites. Ces derniers temps, elle avait l'impression de patiner avec lui. La promesse qui lui avait fait tournait en boucle dans sa tête, mais, concrètement, rien n'avait changé. Si ce n'est qu'elle minaudait encore plus chaque fois qu'ils se croisaient au village.
Johan était assis à la table de jardin, un verre de pastis rempli de glaçons devant lui. Lorsqu'il les aperçut, il se leva de sa chaise. Son sourire, lumineux et sincère, frappa Lila en plein cœur. Elle s'avança vers lui, poussée par ce fichu fil invisible qui n'en finissait pas de s'entortiller autour d'eux, mais Aimée la devança. Elle claqua deux grosses bises sur les joues du jeune homme comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Lila, elle, dérogeant à leur salutation habituelle, lui ouvrit les bras où Johan vint volontiers se blottir le temps d'un bonjour.
Aimée trépignait, incapable de rester en place. Entre les cachoteries d'Arlette et sa meilleure amie de plus en plus proche de son crush, la jolie brune tentait de calmer son enthousiasme en faisant les cent pas sur la terrasse. Dans ses mains, la bouteille de champagne qu'elle avait amenée pour l'occasion menaçait d'arroser la scène.
— Ne la secoue pas comme ça ! s'affola Lila. Elle va nous péter à la figure !
— Mais j'en peux plus, j'ai envie de savoir ! protesta Aimée en posant délicatement la bouteille au centre de la table.
— Vu son air guilleret, c'est sûr que le plan a marché, pressentit Johan.
Arlette était dotée d'un sens de la mise en scène très prononcé. Elle les avait invités à déjeuner par SMS, sans en évoquer la raison. Les trois amis se doutaient bien qu'ils allaient enfin découvrir si leur stratagème avait porté ses fruits, mais pour l'instant, ils n'avaient eu droit à aucun indice.
Leur hôte revint quelques minutes plus tard, toujours accompagnée de son sourire et visiblement satisfaite de faire mariner ses invités. Elle servit la salade de crudités, proposa différentes boissons et souhaita un bon appétit. Après une première bouchée, elle ne put retenir son rire plus longtemps :
— Vous devriez voir vos têtes !
Depuis son retour, les jeunes la dévisageaient d'un air implorant.
— Ça suffit de nous faire languir ! Dites-nous ce qu'il en est ! supplia Aimée.
Arlette s'essuya la bouche avec sa serviette en tissu blanc et s'appuya au dossier de sa chaise.
— Les nouvelles sont plutôt bonnes. Je voulais vous l'annoncer de vive voix. J'ai longuement hésité à écrire à Richard. Vous comprenez, je ne savais pas si j'allais déranger, si ma lettre serait bienvenue et j'ai laissé traîner un petit moment. Pour tout vous dire, j'avais noté ses coordonnées sur un papier qui a fini caché, au fond d'un tiroir ! Et puis j'ai demandé un signe pour m'aider à prendre ma décision et il m'a été envoyé.
— Un signe ? Quel genre ? s'extasia d'avance Aimée.
— Chut ! Laisse-la finir ! répliqua Lila en lui donnant un coup de coude.
— J'ai finalement pris mon courage à deux mains et je lui ai écrit.
Aimée poussa un petit cri, pendant que Lila applaudit. Johan, lui, continuait son repas comme s'il s'agissait de popcorn au cinéma. Arlette poursuivit :
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Tu as pris ton temps
RomanceEn faisant sa tournée habituelle à travers les rues étroites du village, Lila, infirmière à domicile, rend visite à Arlette Guichard, veuve d'un patient décédé. En plein tri dans sa grande maison, Arlette se fait une joie de partager ses souvenirs d...