Décembre 1959

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Arlette, 16 ans

Comme prévu, je retrouve Jacquie au stade en milieu d'après-midi pour le grand match de football des garçons. Assise dans les gradins, je scrute le terrain sur lequel Richard et Félix s'échauffent avec leur équipe. L'excitation est palpable, je me sens à la fois fière et nerveuse.

— Oh, regarde-les ! Ils ont l'air si concentrés.

Les mains crispées sur mes genoux, je murmure à l'oreille de Jacquie comme s'ils pouvaient m'entendre. Elle me rassure :

— Tu sais très bien qu'ils sont doués, je ne m'en fais pas pour eux.

Richard tourne la tête dans notre direction et je m'empresse de lui faire de grands signes de la main. Un large sourire illumine son visage. Il donne un coup de coude à Félix et ils nous saluent à leur tour.

Le coup d'envoi retentit, le match commence. Richard porte le numéro 10, tandis que Félix arbore fièrement le numéro 7. Dès les premières minutes, je peux déjà voir à quel point Richard est impliqué dans le jeu. Il harangue ses coéquipiers, leur donne des consignes, et quand quelque chose ne va pas, il s'emporte en un quart de seconde.

"Allez, allez ! On se bouge, les gars ! Ne lâchez rien !" crie-t-il avec fougue.

Mon cœur bat la chamade à chaque fois qu'il s'exprime ainsi en meneur. Je ne peux m'empêcher de le trouver encore plus séduisant quand il se montre aussi passionné. Mais je sais aussi que parfois, cette énergie débordante peut le desservir.

Félix, quant à lui, est plus calme et posé, mais il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Il sait comment apaiser Richard quand il est sur le point de dépasser les bornes. Ils se comprennent par de simples gestes.

Le match est intense, chaque équipe donne tout ce qu'elle a. Les minutes défilent, et le score reste désespérément nul. Je me tortille sur le banc et m'attaque à mes ongles. Je les ronge avec frénésie sans pouvoir m'en empêcher, malgré les injonctions de Jacquie :

— Mais tu as vu dans quel état tu te mets ? Ce n'est qu'un match !

— Je sais, mais il faut qu'ils gagnent !

— Eh bien ! Vous êtes de vraies supportrices, les filles !

Avec Jacquie, nous nous tournons vers le garçon à côté de nous. Son ami et lui nous reluquent en affichant un sourire idiot. On ne les avait même pas remarqués. Ils doivent avoir l'âge de Richard et Félix et ne m'inspirent aucune confiance. Je réponds tout de même poliment :

— Oui, ce sont nos amis qui jouent.

— Le type blond et le p'tit à la moustache ?

— Oui.

— C'est pas des cracks, lâche-t-il sans sourciller.

Alors que je reste hébétée, ils se lèvent et se rapprochent de nous. Celui qui parle a les dents du bonheur et un visage carré, l'autre a les cheveux en bataille et l'air ahuri. Jacqueline s'occupe de rétorquer :

— Et vous, j'imagine que vous êtes tellement des cracks, que ce tournoi est trop simple pour vous. C'est pour cette raison que vous ne jouez pas ?

Ils se marrent et celui qui parle réplique :

— Non, nous, on préfère jouer avec les jolies filles.

Richard récupère le ballon au milieu du terrain et s'élance vers le but adverse. Je me lève d'un bond, ignorant la remarque déplacée du garçon. Avec une détermination sans faille, Richard dribble plusieurs joueurs adverses, les laissant sur place. Puis, d'un tir foudroyant, il expédie le ballon dans les filets et déclenche l'euphorie chez les supporters.

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