Chapitre 07 - Boule de neige et jour de l'an

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Lovée dans les bras de son canapé et enveloppée d'un plaid, Lila terminait une sieste bien méritée. Le bruit de fond des téléfilms de Noël était, selon elle, bien plus efficace qu'un somnifère. Il garantissait de jolis rêves remplis de guimauves et de jeunes hommes canons, volant à la rescousse des demoiselles en détresse (canons, elles aussi), coincées par une tempête de neige. Elle bâilla à gorge déployée en se frottant les yeux, avant de se contorsionner pour atteindre son téléphone. Un peu de repérage sur le net représentait une bonne excuse pour profiter encore quelques instants de son canapé chéri.

Cette année, elle souhaitait s'y prendre tôt pour acheter les cadeaux de ses proches. Elle offrirait un livre sur la navigation à son père, des produits de beauté à sa mère et probablement un objet de décoration pour son frère et sa belle-sœur. Pour ses neveux, elle n'aurait qu'à piocher dans la liste de jouets que leurs parents avaient diffusée à toute la famille. Elle avait également repéré une superbe pochette pailletée qui ferait très certainement plaisir à Aimée.

Il ne lui restait plus qu'à trouver une idée pour ses patients. Chaque année, il fallait réinventer l'éternelle boîte de chocolats ou le coffret de mini-savons. Elle quitta Internet, refusant de taper une recherche Google dont le résultat ressemblerait à la liste de fournitures d'un Ehpad.

Pendant la période des fêtes, ses petits vieux recevaient leur famille et s'il y a bien un moment de l'année où l'on aime se faire plaisir en mangeant, c'est Noël. Un panier garni serait un cadeau apprécié, avec quelques produits locaux et originaux, sans en faire trop. L'Épicerie Gourmande lui apparut alors comme une évidence. Elle demanderait à Johan s'il serait intéressé de les préparer. Ses patients pourraient ainsi découvrir ce que proposait l'épicerie. À choisir, elle préférait faire de la publicité à un commerçant de la région, plutôt qu'à un grand groupe de distribution.

Elle réalisa soudain qu'elle réfléchissait aux cadeaux de tous ses proches, sans même savoir ce qu'elle ferait exactement pour le réveillon et le jour de Noël. Depuis que ses grands-parents n'étaient plus là et que ses parents avaient vendu leur maison de famille pour vivre leur retraite au bord de la mer, les fêtes n'avaient plus la même saveur. Celle de la mise en place des décorations et du sapin avec sa mère, celle des matins où elle courrait réveiller son frère pour ouvrir les cadeaux ou celle des repas interminables, avec le fameux chapon aux morilles de sa mamie.

Cette année et comme l'année précédente, les Roy se retrouveraient probablement chez Louis, le frère aîné de Lila. Elle serait une nouvelle fois la tata célibataire à qui on demande sans cesse quand est-ce qu'elle compte ramener quelqu'un et qu'on ne sait pas où caser dans le plan de table. D'un côté, être obligée d'abréger ces repas à cause de ses obligations d'infirmière ne la dérangeait pas tant que ça. On lui reprocherait d'être trop dévouée à son travail, mais ça ne serait pas pire de s'entendre marteler qu'à son âge, il fallait qu'elle trouve chaussure à son pied coûte que coûte.

Elle regarda l'heure en soupirant : il était temps de se mettre en route. Avec l'énergie d'une limace en fin d'hibernation, elle s'arma d'un bonnet, de ses gants en laine et de son nécessaire de soins. La tournée du matin ne la dérangeait pas, contrairement à celle du soir où la motivation disparaissait aussi vite que les rayons de soleil, c'est-à-dire aux alentours de 17 heures. D'autant que depuis qu'elle vivait au village, elle avait découvert le bonheur de se chauffer à la cheminée. Les crépitements et la douce lumière orangée que le feu renvoyait étaient un véritable aimant.

Dans la voiture, un petit flocon rouge s'alluma sur le tableau de bord lorsqu'elle mit le contact, signe que la température flirtait avec celle de l'Alaska. Comme si elle ne l'avait pas remarqué ! Le ciel, opaque et menaçant, avait cloué le bec aux oiseaux et découragé les habitants de quitter la chaleur de leur foyer. Aucun véhicule ne croisa la route de Lila jusqu'à l'épicerie. Le village était vide, morne et triste. Même Tony avait fermé boutique !

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