Les veilles de Noël ne ressemblaient jamais aux jours de travail habituels. Les maisons du village s'étaient remplies d'enfants, de petits-enfants, voire d'arrières-petits-enfants et on sentait une excitation latente. Entre préparatifs, plan de table et décoration de dernière minute, les patients et leur famille prenaient toujours le temps d'offrir à leur soignante un moment intime afin de la remercier pour son dévouement en cette période de fête.
Lila avait consacré sa journée à distribuer les cadeaux que Johan avait préparés pour ses petits vieux et en avait reçu quelques-uns elle-même. On lui avait offert des chocolats succulents, de jolies bougies, des bijoux fantaisies et un flacon de parfum.
Même si ce n'était pas une patiente à proprement parler, Lila n'avait pas oublié Madame Guichard. Arlette avait une place spéciale dans son cœur et il était impensable de ne pas lui rendre visite.
— Coucou ! C'est la Mère Noël ! lança-t-elle lorsqu'elle entendit les bruits de pas derrière la porte.
Arlette ouvrit et découvrit une Lila en joie qui lui tendait un magnifique panier en osier, surmonté d'un ruban rouge.
— Tout ça pour moi ? s'exclama la retraitée. C'est adorable, ma chérie, merci. Si je fais une crise de foie ces prochains jours, ce sera ta faute !
— Il n'y a que des bonnes choses là-dedans, vous pouvez vous régaler sans crainte. Et puis, décembre, c'est fait pour ça, non ? Manger !
— Tu as raison ! Ce panier est magnifique, déclara Arlette en l'inspectant sous toutes les coutures.
— C'est Johan qui les a préparés. Enfin, l'épicier.
— Johan ? Tiens donc. Il faudra que tu me le présentes, la taquina Arlette.
Lila baissa les yeux afin de cacher son sourire :
— Il est très sympathique et propose de super produits !
— Je n'en doute pas une seconde. Tu veux boire quelque chose ? Un petit chocolat chaud, ça te dirait ? Entre ! Avec ce froid, ça te fera du bien.
— Vous pensez sincèrement que je vais dire non à un chocolat chaud ?
Arlette invita Lila à s'asseoir dans le salon décoré de photos et d'objets d'une vie passée. Lila s'installa sur le canapé en face de la cheminée crépitante, tandis qu'Arlette disparut dans la cuisine. Elle émietta une tablette de chocolat noir dans une casserole et y ajouta un fond de lait entier avant de mettre le tout sur le feu. Elle revint s'assoir près de la jeune femme et posa sa main sur la sienne.
— Raconte-moi les derniers potins, proposa la retraitée. Je vois que Joseph a fait son petit effet au village.
Lila sourit, amusée. Arlette était toujours aussi curieuse. Elle ignorait pourtant qu'elle allait se faire cuisiner par une Lila machiavélique qui avait réfléchi à son plan depuis des jours.
— Oui, toutes les petites vieilles sont sous le charme ! Et c'est Johan, ajouta-t-elle en faisant un clin d'œil.
— Et il est comment, ce Johan ?
— Plutôt mignon, il faut l'avouer, répondit Lila avec un sourire en coin.
Si elle voulait qu'Arlette lui confie son secret, elle devait lui confier les siens. Elle étoffa quelque peu sa pensée :
— Et gentil, et il fait divinement bien à manger !
Arlette acquiesça avec un sourire :
— Ma grande, crois-moi, c'est un critère à prendre en compte !
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Tu as pris ton temps
RomanceEn faisant sa tournée habituelle à travers les rues étroites du village, Lila, infirmière à domicile, rend visite à Arlette Guichard, veuve d'un patient décédé. En plein tri dans sa grande maison, Arlette se fait une joie de partager ses souvenirs d...