Lila et Aimée se préparèrent "à l'ancienne", comme lors de leurs premières sorties d'adolescentes. Britney Spears et les Spice Girls rugissaient d'une enceinte connectée, pendant que la salle de bain se transformait en capharnaüm. Les deux amies se lancèrent dans des essayages interminables qui permirent de trancher sur leurs choix vestimentaires. Aimée se para d'un sublime tailleur argenté, tandis que Lila troqua sa tenue décontractée contre une jupe à sequins moulante, assortie d'un ample chemisier blanc.
— Avec ça, ça va être canon ! assura Aimée en tendant à Lila une paire de bottines irisées.
Convaincre Aimée de se joindre à cette soirée de réveillon, si loin de ses habitudes, avait été une prouesse. Mais l'évocation de la présence de Johan avait tout changé. Aimée, voyant la lueur dans les yeux de Lila chaque fois qu'elle parlait de son épicier, avait décidé de jouer les entremetteuses. D'après les dires de Lila, Aimée était convaincue que Johan pouvait être le bon. Mais elle connaissait suffisamment sa meilleure amie pour savoir qu'elle allait avoir besoin de soutien et d'encouragement. Elle serait sa coach du cœur, déterminée à la guider vers le bonheur amoureux qu'elle méritait.
Il était temps d'y aller. Elles se rendirent jusqu'à Chez Tony en se tenant par le bras, à peine dérangées par la froideur de la nuit. À leur entrée dans le bar, les quelques invités déjà présents les dévisagèrent, éblouis par leur élégance. Des cotillons et autres confettis ornaient les tables qui accueillaient habituellement les joueurs de belote. Sur le comptoir, paradaient des petits-fours, ainsi que des flûtes à champagne qui attendaient patiemment qu'on les remplisse de bulles dorées.
Aimée se montrait soudainement intimidée face aux habitants du village qui défilaient pour saluer Lila et qui se présentaient à elle par la même occasion. Elle les saluait poliment d'un signe de tête ou d'une poignée de main. Une accalmie lui permit de glisser à l'oreille de Lila :
— Mais comment tu fais pour retenir tous ces noms ?
— Lui, c'est Tony, énuméra Lila, elle, c'est Madame Bertin, le Monsieur dans le coin du comptoir, c'est Francis Pastis, là-bas...
— Bonsoir, ma chérie !
Lila fut interrompue par une dame d'un certain âge, très élégante avec ses boucles d'oreille tombantes bleu électrique et un pantalon à princes évasé.
— Aimée, voici Arlette, déclara solennellement l'infirmière. La mamie chez qui nous allons faire le casse du siècle pour lui voler tous ses sacs.
Toutes trois éclatèrent de rire et s'échangèrent des compliments sur leurs habits de lumière. Arlette, avec sa veste brillante, sautillait de joie d'être de retour à la vie mondaine. Lila avait bien fait d'insister pour qu'elle se joigne à la fête.
— Et cet épicier, alors ? Tu ne me le présentes pas ? s'impatienta-t-elle en scrutant les quatre coins de la salle. Je ne risque pas de le repérer, je n'ai pas mis mes lunettes.
— Figurez-vous qu'il n'est pas encore arrivé ! Mais je n'y manquerai pas.
— Je suis venue uniquement pour le rencontrer aussi, plaisanta Aimée.
Elle cherchait déjà à être de mèche avec Arlette afin de mettre à exécution son plan de rapprochement entre sa meilleure amie et l'organisateur de la soirée. Avant que Lila n'ait pu s'assurer de leur discrétion, Madame Bertin, dont le brushing aurait fait pâlir n'importe quelle vedette, fit irruption dans le petit groupe. Elle leur présenta de rapides civilités, puis accapara Arlette avec une histoire de femme du cousin de son frère qui lui passait le bonjour.
Lila et Aimée en profitèrent pour se faufiler jusqu'au buffet, leurs estomacs criant famine.
— Je te vois arriver, prévint Lila. Pas de sous-entendus lourds avec Johan, d'accord ?
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Tu as pris ton temps
RomanceEn faisant sa tournée habituelle à travers les rues étroites du village, Lila, infirmière à domicile, rend visite à Arlette Guichard, veuve d'un patient décédé. En plein tri dans sa grande maison, Arlette se fait une joie de partager ses souvenirs d...