Chapitre 13 - Abattre ses cartes

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En rentrant de sa tournée du samedi, Lila pris son temps. Elle s'était douchée, habillée et avait fait en sorte de discipliner ses cheveux lors du séchage. Johan lui avait proposé de passer boire un verre à l'occasion d'un tournoi de cartes organisés par Tony, au bar. Il n'y avait, dans ce rendez-vous, pas la moindre once de romantisme, mais qu'importe ! Aimée y voyait l'occasion d'officialiser leur amitié améliorée. Lila reçut des SMS d'encouragement, mais aussi de menace si jamais elle ne la tenait pas au courant de l'évolution de la soirée.

Désormais briefée et sûre d'elle, Lila rejoignit son ami. Depuis des jours, la scène à l'épicerie tournait en boucle dans sa tête. Leur étreinte avait été interrompue, mais elle savait qu'un autre moment se présenterait et serait le bon. En se l'imaginant, Lila ressentit un doux frisson d'excitation. Que c'était bon de le sentir à nouveau ! Peut-être que Johan proposerait de la raccompagner à la fin de la soirée ?

Lorsqu'elle arriva devant chez Tony, le bar était plein. Les hivers étaient longs au village et la moindre activité rameutait les foules. Les tables étaient entourées de voisins, d'amis et de connaissances, ravis de se retrouver un peu de convivialité. L'infirmière parcourut la salle, saluant les gens avec son aisance naturelle. Tony ne manqua pas de la taquiner dès qu'il l'aperçut :

— Tiens, une revenante !

Comme à son habitude, le gérant des lieux l'avait apostrophée devant tout le monde. Elle rétorqua du tac au tac :

— Il y en a qui bossent, Monsieur !

Tony ne trouva rien à redire et préféra faire la moue. Elle avait l'habitude : ça lui passerait aussi vite que ça lui était venu !

Parmi les personnes présentes, Johan était là, lui aussi. Assis avec les jambes croisées sur sa chaise, il arborait un sweat à capuche dont il avait négligemment retroussé les manches. Lorsqu'elle se pencha pour lui faire la bise, il se leva précipitamment, ôta sa casquette et déposa doucement sa main sur l'épaule de la jeune femme. Un geste banal, mais dans lequel elle ressentit une étrange tendresse. Il coiffa ses boucles en arrière d'un geste automatique, avant de remettre sa casquette en place.

— Je t'ai gardé une chaise,  déclara-t-il en tirant l'assise vers l'arrière.

— Tu avais peur que je m'installe à côté de quelqu'un d'autre ?

Elle se mordit l'intérieur des joues. De toute évidence, la répartie de sa meilleure amie ne lui ressemblait pas. En essayant de l'imiter, elle craignait que son excès de confiance soit interprété comme de l'arrogance. Heureusement, un sourire en coin flotta sur les lèvres de Johan, teinté d'une touche de malice.

— Eh bien, tu sais comment c'est, dit-il en haussant légèrement les épaules. Les évènements au village peuvent parfois être un peu... imprévisibles. J'ai pensé qu'il serait bon réserver une chaise confortable pour une personne en particulier. Juste au cas où elle voudrait passer un moment sympa avec moi, dans un bar qui sent l'alcool et le tabac, et où l'on nous sert des chips ramollies.

Lila éclata de rire et prit place sur la chaise offerte, sentant en elle le stress des retrouvailles faire place à la sérénité.

— J'en conclus que tu aimes les chips ramollies ? demanda-t-il, en lui présentant le bol d'apéritif.

Elle haussa les sourcils, faisant mine de réfléchir avant de répondre :

— Merci, mais je te les laisse, tu as l'air de les adorer !

Un rire sincère s'échappa des lèvres de l'épicier. Elle lui donna un léger coup de coude amical et ils échangèrent des banalités. Tony interrompit leur conversation en demandant l'attention des clients :

Tu as pris ton tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant