Arlette, 16 ans
Les chaudes journées d'été se suivent et se ressemblent. Sous l'ombre bienveillante d'un vieux chêne, j'ai la tête posée sur les cuisses de Richard. Ses poils chatouillent mes oreilles, sa main caresse mes cheveux. Pour moi, c'est à cela que ressemble le bonheur.
C'est désormais notre quotidien : nous nous retrouvons au parc après le déjeuner pour profiter de l'air frais et roucouler à notre guise. Nous nous allongeons sur l'herbe sèche et nos rires se mêlent au chant des cigales. Autour de nous, les enfants courent, les familles pique-niquent, le parc vibre au rythme des bals populaires et de leurs musiques enjouées. J'aimerais passer mes journées entières ici, à apprendre à connaître Richard sur le bout des doigts.
Plus nous passons du temps ensemble, plus je réalise à quel point il est différent de ce que j'aurais pu imaginer la première fois que je l'ai vu. Derrière sa belle gueule et sa confiance apparente, se cache une âme d'une douceur inattendue. Une âme sensible qui aime contempler la beauté du monde et qui parvient à la transcender.
Mais, ce qui me touche encore davantage, c'est la manière dont il me montre son affection. Il est attentionné, attentif à mes besoins, à ma sécurité et à mes émotions. Parfois, un simple regard de sa part suffit à me réconforter, à me faire sentir spéciale. Cette tendresse qui émane de lui passe par des gestes simples, mais d'une grande bienveillance. Il me tient la porte, passe devant quand on traverse la rue, me serre la main dès que nous empruntons des sentiers escarpés et me couvre de sa veste en jean lorsque le vent se lève dans la soirée.
Je le contemple, et cela me paraît presque irréel. Quelle était la probabilité que ce garçon si parfait partage la même attirance à mon égard que celle que j'éprouve pour lui ?
— À quoi penses-tu, Pâquerette ?
J'adore ce petit nom qu'il me donne. Il me ramène instantanément à notre premier baiser et à cet endroit magique sur la colline. Il caresse mes cheveux et les relève vers l'arrière pour dégager mes yeux. Sa tête est au-dessus de la mienne, il sourit. On dirait qu'il sait que je pense à lui, mais je réponds comme si de rien n'était :
— À rien, je me repose. Ma matinée a été fatigante.
Tous les matins, je travaille à la boutique de Madame Limoux. Elle m'apprend des tas de choses : reconnaître les tissus, les découper, coudre de différentes façons, assembler les pièces, faire des patrons... Et j'adore ça. Plus elle me forme au métier de couturière, plus je m'y intéresse. Avec l'argent que je gagne, j'achète des revues de mode, je découvre, j'analyse et j'essaye de reproduire. Richard m'encourage, il m'aide en me donnant des astuces pour le dessin ou comment trouver les bonnes proportions.
Il m'embrasse et, comme bien souvent, se met à rêver :
— Tu es fatiguée, mais c'est pour la bonne cause. Tu dois tout apprendre de cette femme, parce que toi et moi, on va s'enfuir à Paris. Tu iras travailler avec Coco Chanel et moi, je m'inscrirai aux Beaux-Arts. Ensuite, on voyagera. On fera même le tour du monde ! T'es d'accord ?
Évidemment, je suis d'accord. Je le suivrai partout.
Quand les cloches de l'église sonnent l'angélus, il est temps de rejoindre Félix et Jacquie à la guinguette. Le samedi, j'ai l'autorisation d'y rester jusqu'à neuf heures puisque je ne travaille pas le lendemain. Il a été facile de convaincre papa et maman. J'ai simplement assuré que Jacqueline y allait aussi. Ils ont confiance en elle, ils disent que c'est "une petite comme il faut", alors ils se disent que si elle est avec moi, je ne cours aucun risque.
C'est ainsi que nos journées se déroulent. Nous avons nos moments en amoureux, mais finissons toujours par rejoindre nos frères et sœurs de cœur. Nous nous baignons dans la rivière, organisons des pique-niques, les garçons jouent au football et nous les encourageons, puis nous partageons des glaces à la vanille, à la terrasse du café.
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Tu as pris ton temps
RomanceEn faisant sa tournée habituelle à travers les rues étroites du village, Lila, infirmière à domicile, rend visite à Arlette Guichard, veuve d'un patient décédé. En plein tri dans sa grande maison, Arlette se fait une joie de partager ses souvenirs d...