Double update : chapitre 58 publié.
Arjen
Les pirates étaient des pilleurs et des tueurs. Ils volaient et louaient un dieu déchu, celui du vent. Il n'y avait rien en eux que quiconque ne pouvait apprécier. Du moins, je le pensais, mais, maintenant que nous étions face à leur île, ma curiosité dominait ma raison. L'homme qui avait jeté la bouteille à la mer avait raison. Il n'y avait pas de soleil. Le ciel était si nuageux et si sombre qu'il ne pouvait en rien être un ciel normal et je ne pouvais pas, pour la première fois, ressentir la présence de Land, d'Asthan ou d'une quelconque puissance.
La mer était déchaînée et je compris pourquoi chaque navire non invité s'écrasait sur les rochers. C'était inévitable. Je n'avais jamais vu de vague aussi grande, aussi sombre, aussi puissante. On aurait dit... les Eaux Mortes des légendes. Une eau que les dieux redoutaient ; un océan où aucune vie hors mis les pires ne pouvaient résider ; un lieu où tout était hostile. On la surnommait « la mer des morts ». Pourtant, mon navire et le titanesque vaisseau noir qui nous accompagnaient depuis des mois, sans bruit et sans vie, ne craignaient rien.
Les vagues ne nous touchaient pas ; les courants ne nous entraînaient. On aurait dit qu'une force plus puissante encore que la mer nous faisait tenir le cap contre vent et marée. J'étais émerveillé, bien contre moi. Après l'attaque du kraken, de Gandrormr, nous avions été escortés en silence. Certains géants avaient voulu monter sur le pont de l'autre navire, mais je les avais dissuadés. Plus encore lorsque, la première nuit, un brouillard rouge avait été vu sur le pont du navire avant de disparaître. Je n'avais pas ressenti la présence de Rouge-gorge, mais j'avais bien compris le message.
Alors nous avions attendu et après des mois, nous y étions.
Ses pics rocheux et aussi tranchants que des rasoirs étaient recouverts de bâtisse en bois qui , comme l'avait dit le marin, semblait fragile et, pourtant, les vagues qui frappaient les plus basses maisons tenaient bon sans trembler. Les « lueurs lugubres » dont parlait le marin s'allumèrent effectivement à la façon des étoiles, une à une, et elles brillaient d'une lueur orangée, aussi chaleureuse que le soleil. Des rires bruyants et de la musique pouvaient être entendus avant même d'accoster au port.
Et que dire du port ! Il était jonché de navire, partout où je regardais. Il n'y avait presque plus de place pour l'eau ! Je me demandais même où on pourrait accoster, mais un pont se découvrit sous une brume rouge. Le vaisseau noir y jeta l'ancre et j'ordonnai de faire de même. Nous descendîmes prudemment pour gagner la terre. Des vagues s'élevèrent vers nous, mais à la façon de notre navire, elles furent détournées de nous. Soudain, des rires bruyants s'élevèrent et je tournai la tête vers eux.
Il ne s'agissait que de deux ivrognes, mais ce qui me frappa fut leurs origines. Il venait des contrées boisées de l'est, très certainement, au vu de ses quatre cornes de bois sur son crâne et de son petit nez rond, recourbé, et pailleté comme le tour de ses yeux : un itre. Et l'autre, c'était à n'en point douter une rok, une créature à corne et à ailes membraneuses, ou tout du moins des peintures qui en étaient faites.
Je jetai un coup d'œil à Solaug et Noortje. Les deux semblaient aussi choqués que moi. À notre connaissance... les pirates n'étaient faits que d'hommes, pas d'autres races. Pourtant, c'était bien différent, mais je n'eus pas le temps de pousser ma pensée que du vaisseau sombre descendit une ombre. Comme si le vent le peignait, il nous apparut. Son long manteau noir portait par la tempête ; son grand chapeau à plume, typique des pirates, mais aussi majestueux que celui de Rouge-gorge ; sa peau presque grise tant elle était blanche et terne ; ses yeux gris où la même tempête faisait rage que celle de l'océan.

VOUS LISEZ
BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)
FantasyLes géants ont bonne mémoire. Ils se souviennent toujours des vieilles convoitises de leurs ancêtres, de tous ceux qui les ont précédés. Alors lorsque leurs yeux se posent sur les jusquiames noires, joyaux de la couronne humaine, leurs vieux désirs...