Je monte quatre à quatre les escaliers avec mon frère sur les talons, il semble souffrir de gravir les étages, sa respiration se saccade et devient de plus en plus bruyante. Peut-être faut-il qu’il envisage comme mon ami Philippe de reprendre une activité sportive.
— Michaël attend une minute…Me souffle-t-il à bout de souffle.
— Exagère pas tortue, il ne reste que deux niveaux.
— M’a..pel pas com’ça. Et ne te fou pas de moi.
Il s’accroche à la rambarde tout en expirant le peu d’oxygène qu’il lui reste.
— On n’arrive pas à suivre mon grand ?
Je lui tapote le milieu du dos, je ne peux pas m’empêcher de me foutre de son manque d’endurance. Mais mon sixième sens m’indique de rester sur mes réserves. Benjamin traine depuis qu’on est parti du travail, ce n’est vraiment pas son habitude. Je suis persuadé qu’il me cache une information capitale. Il a l’art et la manière de ne pas savoir mentir, j’ai toujours déjoué ses plans à l’avance. Les anniversaires surprises tombaient à l’eau grâce à ma perception aiguisée. J’étais digne des meilleurs enquêteurs, mon pouvoir de déduction flairait n’importe quel petit détail. Puis je l’avoue, j’aime fouiner, partir à la découvertes des secrets. Là mon sens d’araignée, oui oui, je suis Spiderman rappelez-vous clignote dans tous les recoins de mon cerveau. Il crie alerte ! Michaël fuit le plus loin possible, redescend les escaliers, file à la gare routière la plus proche, descend du train, saute dans un taxi et atterrit dans un aéroport…Ok, tu as peur des avions mais choisis le vol le plus loin et casse-toi sans te retourner. L’ainé de notre famille a cet air coupable qui ne trompe pas, il est dans une confidence, il jubile de son manège, je le vois dans tous les grains de sa peau. J’extrapole peut-être mais ça me vrille l’estomac.
— Crache le morceau tortue !
Mon frère se stoppe net, ses yeux forment des O étonnés. Son air perplexe ne me dupe pas, Ben ne répond rien, il s’apprête à reprendre son périple.
— Je le sens, ton manque d’honnêteté transpire par tous les pores de ta peau. Tu sais très bien que je déteste les surprises. Encore plus sans avoir eu le loisir de découvrir le pot-aux-roses avant tout le monde.
— Michaël grandit et avance, Cassie risque encore de s’énerver de notre manque de ponctualité.
L’évocation de son épouse a le don de me clouer le bec. Comme à chaque fois qu’on me balance son prénom au hasard d’une conversation, je reste muet. Propulser dans nos nombreux souvenirs, ceux tapis à l’ombre des regards indiscrets. Projeter dans ce monde parallèle, à dix milles lieus du reste de la terre, deux âmes s’oubliant sur les routes d’un imaginaire aussi vaste que l’infini. Là ou Cassie est une autre femme, et moi un homme à l’opposé de mes convictions. Dans cet univers, je ne pense plus à ses noms qui nous définissent, couple, beau-frère, belle-sœur…non…Ils n’existent plus. Les rythmes ne sont plus les mêmes, la valse plus enivrante encore. Les reflets de ses yeux brillent comme la seule lumière essentielle à ma vie. Sa peau m’appelle, mes mains ne supportent pas de ne pouvoir tracer des lignes sur l’intégralité de son corps diablement attirant. Certaines personnes de mon âge se shootent à l’héroïne, je prends ma dose au fin fond de ses prunelles vertes. Une montée d’adrénaline plus intense qu’un saut en parachute, une chute vertigineuse avec sa main dans la mienne, une image troublante, un pressentiment indélébile. Un jour, l’inévitable se produira, cette évidence flotte au-dessus de ma tête comme une épée de Damoclès. Malgré mes efforts pour combattre cette histoire fantaisie inventée par mon subconscient, je le sens, je suis condamné à un échec cuisant face à elle. Même en repoussant cette idée très loin de moi, balancer ce désir à des milliards de kilomètres, Cassie s’en tire grande gagnante. Aucune lutte, aussi féroce soit elle ne suffira.Les pas lourds de mon frère, son souffle erratique un ensemble de preuves liant sa présence à mes côtés, sa présence éternelle à ma vie. Ce protecteur bienveillant toujours à me protéger, pourquoi diable je souhaiterai lui faire du mal ? Hélas, rien ne me réveille de ce constat angoissant.
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Notre monde tourne à l'envers.
RomansSi, on était une couleur , elle serait un mélange de rouge et de bleu. Pour toutes ses fois où nos êtres se sont attirés et tout autant repoussés. L'harmonie d'un désaccords de nuances de violet et pourpre. Si, on était un lieu, on serait une mon...