8 - L'aura du Dragon

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       Près du bâtiment sombre aux lumières discrètes, une silhouette se détachait dans la ruelle adjacente. Capuche sur la tête, accroupie comme une bonne yankee*, Jade attendait Manaka, le regard dans le vide.

       Elle se souvenait encore de l'époque où toutes deux réalisaient les quatre-cents coups, entre fugues nocturnes et petits vols, ainsi que les nuits blanches à refaire le monde, enfermées dans leur chambre du foyer où elles se racontaient leurs rêves et leurs peurs. S'il y avait bien une personne qui connaissait Jade par cœur, c'était bien Manaka.

— Yo, meuf.

       Jade releva la tête sur la superbe jeune femme plantée devant elle. Ce soir, elle portait une robe océan moulante, ainsi que des talons hauts. Rien de bien pratique pour combattre, et pas très prudent dans le quartier de Kabukichō, mal famé la nuit tombée.

       Jade s'appuya sur ses genoux et la rejoignit en boitillant tandis que Manaka remettait en place une épaisse liasse de billets dans son sac. Jade lui tendit un long sweat brodé de leur emblème.

— Tu sais que tu n'as plus à faire ça, hein ?

— Il crache de la thune. Et puis, il n'est pas méchant ou violent, répondit Manaka en enfilant le pull par-dessus sa robe. T'as des baskets ?

— Oui, dit-elle en les sortant de son sac. Mana...

— C'est bon Jade, je gère, coupa-t-elle avec un sourire en coin, troquant ses escarpins pour les chaussures plus confortables.

— J'ai créé Izanami pour qu'on ait plus jamais à faire ça.

       Jade avait parlé d'une voix basse, peinée. Manaka tapota la pointe de sa chaussure pour la mettre en place avant de la regarder. Son sourire avait disparu.

— Je ne le fais pas contre mon gré... Alors t'inquiète pas, j'ai le pouvoir. J'ai pas fini de vider son compte en banque.

— Si ce n'est qu'une question d'argent, on peut...

— Tous les capitaines sont égaux. T'as pas à me faire de fleurs.

       La cheffe se renfrogna, sentant une boule se former dans sa gorge. Manaka était têtue, mais assez grande pour prendre ses propres décisions. Cependant, Jade ne pouvait s'empêcher d'être inquiète : Manaka jouait avec le feu. Elle faisait cela dans un esprit de vengeance contre les hommes qui l'avaient violenté toute sa vie ou presque. Elle ne pouvait pas la forcer à arrêter.

— On rejoint les gars ?

— Oui... Les activités sont assez calmes en ce moment, toutes les factions gèrent bien, répondit Jade en entamant le pas. C'est bien de pouvoir faire ce qu'on veut, des fois !

— Faudrait refaire une virée avec les gars du Toman, clama Manaka avec un grand sourire. Ton pote Tora est grave cool !

— Parlant du Toman, j'ai un truc improbable à vous raconter, souffla Jade.

— Oh ?! Putain, je vais dire à Koko de préparer du pop-corn, là ! s'exclama-t-elle en sortant son portable pour pianoter frénétiquement.

— Oh, mais c'est pas vrai, vous êtes de vraies commères tous les deux !!




       Un peu plus tard, les deux filles arrivèrent à l'appartement de Jade. De la rue, on percevait de la musique s'échapper de la fenêtre du salon, où deux silhouettes allaient et venaient. Manaka ouvrit la porte avec fracas, balança négligemment ses baskets dans le genkan avant de sauter au milieu du salon, bras écartés.

IzanamiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant