Toute mort est unique.
Paul Auster
— Jade, j'suis là.
Mikey retira sa veste avec des gestes lents. Sa tête était pesante, alourdie par un poids insoutenable ; son cœur, meurtri. Aujourd'hui, ne subsistait à cette place qu'un vide béant. Abyssal.
Tout était teinté de gris comme autrefois, saupoudré de noir et de blanc ; taches sombres et fragments de lumière. Tout grésillait, écho lointain de la réalité. La vie ne comportait plus un seul contour net. Cette connexion si fragile, comme une flamme vacillante, pouvait s'éteindre sans crier gare, ne laissant aux vivants qu'un insoutenable néant.
« Arrête tout ça avant que ça n'empire... » lui avait-elle dit.
Il s'était cru invincible. Intouchable. Mais la réalité était cruelle, elle ne faisait pas de distinctions.
Comment annoncer cela à Emma ? À Akina après toutes ses mises en garde ?
Le regard las, Mikey laissa échapper un soupir épuisé. Il y réfléchirait demain. Là, tout ce qu'il désirait, c'était se réfugier contre Akina. Oublier ne serait-ce qu'un instant ; juste une ou deux heures de répit. Retrouver quelques nuances dans cet espace vierge qui lui donnait mal à la tête.
— Aki ?
Il entendit non loin la porte de la salle de bain s'ouvrir et Akina apparut, le corps perdu dans ce sweat trop large. Manjirō, encore engourdi par les ombres de sa funeste soirée, ne fit guère attention à son air tout aussi atterré et l'enlaça en silence, nichant son visage fatigué contre son cou.
— Désolé, il est tard. Mais j'suis là.
Akina laissa ce type de silence lourd et désagréable s'installer entre eux. Elle lui en voulait, c'était indéniable. Pourtant, une certaine douceur se dégageait de ses yeux alors qu'il relâchait son étreinte.
— ... Ça va ? finit-il par demander.
Aki hocha mollement la tête en signe d'assentiment.
— Ballonnée, mais ça va. Tu veux bien lire un peu avec moi avant qu'on se couche ?
— Si tu veux, répondit-il, encore trop tiraillé de douleur pour avoir envie de dormir.
Le couple prit la peine de s'installer confortablement dans leur grand canapé, armé d'un plaid tout doux qu'Aki avait dégoté il y a peu, en vue des longues soirées d'hiver à venir. Enfin, elle récupéra son bouquin, abandonné plus tôt sur la table basse et lut à voix haute :
« — Le solstice d'hiver : la période la plus sombre de l'année. À peine réveillé, il sent le jour lui échapper. Il n'y a pas de lumière à se mettre sous la dent, pas de sens au temps qui s'écoule. »
Paul Auster, l'écrivain favori de son père, et sans doute le sien aussi. Son œuvre, pourtant, n'était pas le choix le plus réjouissant en cette nuit à l'atmosphère si étrange. Étendue contre Manjirō, sa tête reposant sur son torse, protégée par ses bras qui l'étreignaient comme le gardien de ses nuits, Akina lisait d'un ton calme, presque murmurée. Au son de ses harmonies, le jeune homme réalisa que cela faisait une éternité qu'ils ne s'étaient pas retrouvés ainsi, juste tous les deux. Pris d'un élan d'affection, sans doute dû à l'agitation de son esprit, Manjirō déposa un baiser inopiné dans ses cheveux. Aki interrompit alors sa lecture, et le blond inclina la tête pour la regarder :
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Izanami
Fanfiction[TERMINÉE] « M'aimes-tu assez pour que je sois faible avec toi ? » À l'aube d'un conflit fratricide, le Toman doit répondre à un dilemme : s'allier avec le puissant gang d'Izanami ou risquer l'anéantissement. Derrière ce nom énigmatique se cache l'A...