Izanami

73 - Labyrinthe de fragments

        Sous ses pieds, les grains dorés roulaient à mesure qu'il avançait, près des vagues léchant le rivage dans un calme apaisant. Un havre de paix où des dunes et quelques rochers épars l'entouraient. Plus loin, il aperçut une silhouette entrer dans l'eau jusqu'à ce que le bas de sa robe ne frôle la houle tranquille. Avec le soleil en déclin et l'horizon teinté d'orange, difficile d'offrir plus beau décor. Mikey la contempla plusieurs minutes avant de se rapprocher d'elle.

        À l'entente de ses pas dans le sable mouillé, elle se retourna vers lui, un sourire étincelant sur ses lèvres. Du moins, il le discerna à travers la brume étrange entourant son visage.

— Tu crois qu'on tente le bain de minuit ce soir ?

— Elle n'est pas gelée ?

— Viens tester si t'es pas un trouillard, piqua-t-elle, affublée d'un air malicieux.

        Mikey lui rendit sa risette. Dans cet espace hors du temps, en compagnie de cette inconnue, il ressentait une inexplicable sérénité. La mélodie lente de la houle des flots parfairait ce moment où un soupçon de nostalgie flottait dans l'air. Ce monde lui paraissait à la fois réel et inaccessible, comme un rêve qu'on effleure sans jamais pouvoir le saisir.

        Mettant de côté ses interrogations troublantes, il entra un pied dans l'eau vivifiante, puis sentit des éclaboussures sur ses bras. Il releva à temps la tête pour se prendre une rasade salée en pleine figure.

— T'es sérieuse ?! s'exclama-t-il.

        Ni une, ni deux, il s'élança à la poursuite de la silhouette espiègle au milieu des vagues, partenaires complices de leur jeu adolescent. Après quelques instants, il parvint enfin à l'attraper par la taille et la fit basculer en arrière, juste au-dessus de l'eau, à deux doigts de la lâcher.

— Tu te rends ? souffla-t-il, fier de son coup.

— ... Tu n'oserais quand même pas me laisser tomber, si ? risqua-t-elle, jetant un coup d'œil à la mer.

        Amusé, Mikey ne résista pas à l'envie de faire durer le suspense, resserrant tout de même son étreinte autour de ses hanches.

— Je ne sais pas, mais je commence à être tenté, répondit-il en feignant une hésitation.

        La jeune femme fit mine de paniquer, avant de laisser un rire joyeux fuser de ses lèvres ; un son aussi léger qu'une brise d'été. Mikey sentit un trouble étrange, mêlé de mélancolie, se répandre dans ses veines alors qu'il écoutait cette mélodie.

        Les battements de son cœur s'accélérèrent : il se surprit alors à vouloir prolonger cet instant, à vouloir garder cette femme, cette inconnue, tout contre lui. Elle éveillait en lui une tendresse presque douloureuse, comme si une partie de lui cherchait désespérément à se raccrocher à elle ; cette inconnue insaisissable, coincée dans ce monde onirique. Comment pouvait-il ressentir une telle connexion, une telle affection, pour une personne dont il ne connaissait même pas le nom ?

        Il fronça les sourcils et le rire de la femme s'évanouit. Mikey la releva sans quitter cette brume des yeux, perturbé par son introspection.

— Tout va bien ?

        Une voix, sombre et insistante, chuchotait au fond de lui qu'il allait tout perdre de nouveau. Il devrait reculer, fuir, laisser cette femme partir et échapper à cette confusion grandissante. Mais au lieu de cela, il se retrouva à la serrer un peu plus fort contre lui, comme s'il craignait qu'elle ne se dissolve dans l'océan.