56 - Croix de bois, croix de fer...

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Tu as été l'époque la plus belle de ma vie. [...]
Je t'aurai constamment dans ma mémoire la plus profonde,
comme une raison de vie.

Pier Paolo Pasolini



       20 ̷\̷\̷\̷

       Le soleil matinal taquina les paupières closes du jeune homme. À ses côtés, un léger frémissement, suivi de cette chaleur familière, le firent sourire avant même qu'il n'ouvre les yeux, sachant déjà qui se trouvait là, lovée contre lui. Comme par instinct, Manjirō enlaça son bras autour de ce petit corps qui avait trouvé refuge contre son torse, et il inspira profondément, se laissant enivrer par les effluves ensoleillés de ces cheveux satinés.

       Ses quelques mèches entre ses doigts, sa peau accolée à la sienne, les battements réguliers de son cœur encore léthargique, ses yeux clos renfermant le soleil et les pierres les plus précieuses de son monde, son souffle apaisé qui s'échouait sur ses lèvres... Manjirō ouvrit enfin les yeux, avec l'impression de naître au Paradis.

       La sérénité. Une accalmie dans son esprit.

       Cette drôle de sensation persistait, à chacun de ses réveils avec Akina à ses côtés.

       Il inspira à nouveau, refermant ses paupières pour puiser le courage de se tirer hors de ses rêves. Il resserra Akina contre lui, capturant au passage sa petite main posée entre eux. Et lorsque la jeune femme émergea à son tour, elle ne chercha pas à s'extirper de son étreinte, mais laissa seulement le murmure lointain des voitures en contrebas et le rythme apaisé de leur respiration chatouiller leurs tympans.

       Avant que le monde ne reprenne ses droits, avant que cette réalité ne s'estompe, Manjirō voulait savourer cet univers de douceur que lui offrait Akina. Chacun de ses gestes n'était que tendresse, comme s'il craignait l'érafler. Cette pierre si fragile dans ce monde chaotique.

— Akina ?

— Hmm ?..

— ... Je me sens bien avec toi.

       Il sentit Aki reculer légèrement, ses yeux encore voilés de sommeil, mais néanmoins confus, et il comprit qu'il devait être plus clair. Peu à l'aise avec ce genre de déclaration, même s'il ne le montra pas à sa compagne, Manjirō contempla son épaule dénudée et poursuivit :

Vraiment bien. Comme si... tout était en ordre. Comme si tout ce qui était éparpillé là-dedans, dit-il en posant leurs mains liées sur son cœur, ça s'était emboîté de lui-même.

       Il se sentait complètement idiot avec ses métaphores fumeuses, mais le léger rire d'Akina détendit chacun de ses muscles, et il risqua un regard vers elle. Elle souriait paisiblement, la joue posée mollement sur son bras, les yeux brillants. Mikey resserra son étreinte autour d'elle, avec ce sentiment étrange d'être heureux.

— Tu crois qu'on vivra ensemble pour toujours ? demanda-t-elle enfin tout en jouant avec ses doigts, pensive. Que rien ne nous séparera et qu'on se retrouvera ailleurs ?

— J'suis sûr que je te reconnaîtrais dans toutes nos vies, dit-il en serrant ses phalanges avec douceur.

— Si tu finis en enfer, je viendrai te chercher, rit-elle.

— Eh ?! Pourquoi j'irai en enfer !?

— T'es un voyou, souffla-t-elle en touchant sa joue de son index.

— Un voyou loyal, valeureux...

— Qui tape des gars, fout le bordel en ville, vole...

IzanamiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant