Izanami

44 - Marguerite

J'ai sauté du bord et, au tout dernier moment,
quelque chose m'a tendu la main et m'a rattrapé en plein vol.
Ce quelque chose, c'est ce que je définis comme l'amour.
C'est la seule chose qui peut empêcher un homme de tomber,
assez puissante pour annuler les lois de la gravité.

Paul Auster

— Qu'est-ce que c'est chiant, les corvées...

       Mikey soupira alors qu'il remplissait le seau de la classe avec Jade. Il n'allait pas la laisser porter ce truc trop lourd avec ses petits bras frêles...

       Elle haussa les épaules à son rouspétage.

— Comme si on avait le choix.

— J'ai autre chose à foutre, souffla-t-il en déposant le seau devant la porte avant qu'une lueur de malice ne traverse ses pupilles.

— Mikey... dit-elle soudainement inquiète en fronçant les sourcils. J'aime pas ce regard.

— J'ai une idée de génie, meuf !

       Il versa le produit de nettoyage dans l'eau, touilla le mélange à l'arrache, puis flanqua un bon coup de pied dans le seau. Le liquide se déversa sur le sol en une joyeuse cascade, sous son rire satisfait. Jade afficha un air dépité et se prit le visage dans une main.

— Un génie, hein ? Le roi des cons plutôt !

— Hein ?! Mais c'est propre comme ça !

— C'est encore plus chiant d'éponger, espèce d'imbécile ! siffla-t-elle en l'assommant avec le manche de la serpillière.

— AÏE, JADE !!

— Rattrape tes conneries ! ajouta-t-elle en lui flanquant l'autre serpillière entre les mains.

       Mikey la prit, non sans bougonner, mais au lieu de la tremper dans le seau, il tourna son regard espiègle vers l'autre bac d'eau propre. Il y plongea la main et éclaboussa son amie, qui afficha un air choqué avant d'éclater de rire et de lui rendre la pareille. La classe se transforma en un gigantesque champ de bataille d'eau. Les premières victimes furent les dessins de leurs camarades, exposés au mur à proximité, mais les deux enfants ne s'aperçurent même pas des dégâts.

       À ce moment-là, rien d'autre ne comptait, à part remporter ce combat. Cependant, leur bagarre fut de courte durée, puisqu'un professeur, alerté par leurs cris enjoués, déboula dans la classe et les sermonna allègrement avant de les punir. En plus de nettoyer la classe, ils se virent confier la tâche peu enviable de récurer les toilettes, ainsi qu'aider au rangement du gymnase.

— Tout ça, c'est de ta faute, Sano, maugréa Aki en astiquant la dernière table.

— Avoue, t'as kiffé foutre le bordel, sourit-il narquoisement.

       Aki étouffa un rire discret face à cette vérité. Mikey termina de nettoyer sa table, lança son éponge dans le seau en un geste nonchalant, puis farfouilla dans son sac avant d'en tirer une paire de ciseaux. Intriguée, Akina arrêta sa tâche et plissa des yeux, jetant des coups d'œil anxieux en direction de la porte, peu enthousiaste à l'idée de se prendre une punition supplémentaire.

— 19 juin 1999, marmonna-t-il en gravant la date du jour dans le bois du rebord de la fenêtre, la langue tirée par la concentration.

— Mikey ! Qu'est-ce que tu fiches ?! chuchota-t-elle en approchant d'un pas rapide.