42 - Le début du printemps

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Lorsqu'une personne a la chance de vivre dans une histoire,
de vivre dans un monde imaginaire,
les douleurs de ce monde disparaissent.
Tant que l'histoire continue, la réalité n'existe plus.

Paul Auster





— Arrête de m'appeler Sano, t'es pas une prof ! Moi, c'est Mikey !

— T'es quand même crétin, c'est ton nom j'te signale...

       En cette belle matinée, le ciel se montrait particulièrement ensoleillé. Le printemps pointerait bientôt le bout de son nez.

       Désormais, chaque samedi, les deux enfants se retrouvaient dans le hall, comme un rituel bien ancré en attendant d'aller rendre visite à leurs parents. Akina semblait aimer son père autant que Mikey aimait sa mère ; un douloureux point commun qui avait initié leur rapprochement.

       Avant leur rencontre en ces lieux, Mikey ne connaissait la jeune fille que de vue. Elle était simplement dans sa classe, et la seule à posséder des iris différents, rien de plus, rien de moins.

       Cependant, depuis qu'ils étaient devenus amis, il devait avouer qu'il appréciait la regarder droit dans les yeux pour se perdre dans cette couleur, même à la hâte. À son grand désarroi, elle détournait bien trop souvent le regard. La faute aux brimades de leurs camarades.

— Aki ?

       La concernée releva la tête de son dessin pour lui signifier son attention, sans pour autant quitter sa feuille des yeux. D'un air stoïque, Mikey l'observa quelques secondes avant de prendre la parole :

— Arrête d'être tout le temps gênée, ça fait tiep'.

       L'expression étonnée qu'elle afficha lui fit comprendre qu'il avait peut-être été un peu trop direct. Elle referma son carnet sans répondre et serra son sac contre sa poitrine, la tête penchée, laissant ainsi tomber ses mèches de cheveux devant son visage.

— C'est pas à toi de te cacher, dit-il finalement en s'enfonçant dans son fauteuil, les mains dans les poches. Ils sont très bien tes yeux.

— Tu dis ça parce que t'es mon ami...

— Et alors ? Je continuerai à le dire, même si on ne l'était pas.

       Akina renifla. Mikey se gratta l'arrière de la tête et observa les posters de la salle d'attente, même s'il les connaissait par cœur.

       Soudain, un brun jovial et dégingandé déboula, arrachant au blondinet un haussement de sourcil : un nouveau bleu marquait sa joue, doublé de son arcade tâchée de sang séché.

— Salut Aki !

— C'est Akina, bouffon, corrigea Mikey en le fusillant du regard.

— Ah oui, c'est vrai ! ricana Shin'ichirō. Tenez, ajouta-t-il en leur fourrant à chacun une brique de jus de fruit entre les mains, ainsi qu'un dorayaki.

— Prends exemple sur ton frère, il est gentil lui, au moins.

       Mikey dévisagea son amie d'un air bougon avant qu'un sourire en coin ne vienne orner ses lèvres lorsqu'il constata aussi une risette sur sa bouille. Elle n'avait vraiment pas sa langue dans sa poche, finalement. Il suffisait qu'elle se sente à l'aise pour dévoiler un peu plus sa vraie personnalité. Sa mère finit par approcher.

— Akina, on va voir papa ?

— Oui ! s'exclama-t-elle en sautant de sa chaise. Sano, Shin', à la prochaine !

IzanamiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant