La nuit ne fut guère reposante.
À l'aube, tiraillée par leur conversation nocturne, Jade se leva et s'éclipsa de la chambre. Mikey lui en voudrait sûrement, mais tant pis. Il y avait peu de chances qu'elle croise une division du Tenjiku à cette heure matinale.
Vêtue d'un sweat à capuche, d'un pantalon cargo, d'un masque chirurgical et d'un foulard, Jade se rendit à l'hôpital où se trouvaient Manaka et Inupi. Leurs blessures n'étaient pas assez importantes pour qu'ils y restent plusieurs jours, mais elle s'en voulait de ne pas s'être précipitée à leur chevet.
Discrètement, elle se faufila dans la chambre indiquée via message par Seishu. Jade glissa entre les rideaux masquant chaque patient jusqu'à trouver sa meilleure amie, profondément endormie. Son visage gonflé aurait pu être pire. Jade s'assit un moment sur le rebord avant de s'allonger contre elle, les yeux grands ouverts.
Elle se rappela avec nostalgie son arrivée au foyer. Le jour de Noël, comment l'oublier ? Une fille d'un an de moins qu'elle, des vêtements soignés, propre sur elle, avec un gros bleu sur sa joue rosie par le froid et un regard qui en voulait au monde entier.
— Voici ta chambre, Kuse. Tu la partageras avec Harada.
Jusqu'ici seule, Jade n'avait pas très bien pris cette colocation forcée. Cela ne faisait que deux semaines qu'elle était arrivée, et elle se doutait que tôt ou tard, quelqu'un prendrait place à côté de la sienne, mais tout de même...
La nouvelle examina la chambre, confuse, avant de poser son sac sur le lit qu'on lui avait attribué. L'un des responsables lui expliqua les règles du foyer et le programme strict du lendemain avant de sortir. La petite brune resta quelques minutes pantoise, avant de sortir ses affaires pour s'atteler à les ranger dans l'armoire commune où Jade s'était éparpillée.
— ... J'vais pousser mes trucs, j'étais toute seule, dit-elle en remarquant qu'elle avait un peu trop pris ses aises.
Manaka hocha la tête et l'observa en silence faire de la place. Les deux filles n'échangèrent pas plus de mots ce jour-là. Manaka passa le repas en solitaire, sans parler à qui que ce soit, puis rejoignit Jade dans leur chambre à l'heure du coucher. Quand la lumière du couloir s'éteignit, Jade, prête à s'endormir, entendit des reniflements étouffés. Elle serra sa peluche pokémon Mystherbe, puis se tourna face au mur pour ignorer ses sanglots qui appelaient les siens.
Les jours et les nuits s'écoulèrent, rivières impétueuses emportant avec elles les fragments de leur innocence. Il semblait à Jade qu'elle était là depuis une éternité alors qu'elle entamait à peine sa quatrième semaine. Quand pourrait-elle enfin retourner à la maison ?
Le responsable lui avait brièvement expliqué que sa maman devait se soigner contre son « addiction ». Elle avait cherché le mot dans le dictionnaire, mais n'était pas sûre de comprendre. En tout cas, une chose était claire : le type qui avait voulu remplacer Papa, lui, était en prison. « Encore un camé », avait-elle entendu. Ça, ce n'était pas dans le dictionnaire. De toute façon ici, leurs livres étaient nuls, et il y avait trop d'agitation pour lire correctement. Depuis que cet homme était entré dans leur vie, deux ans après la mort de Papa, Jade n'avait plus trouvé la tranquillité pour lire, sauf à l'école. Quand elle se faisait punir au moins, elle était en paix pour se plonger dans ses univers parallèles.
Un soir, alors que la lueur de la lune caressait faiblement la pièce, Manaka sanglotait, incapable de se retenir. D'abord agacée, Jade s'était levée pour lui sommer de se taire, fatiguée par cette énième journée de routine rigide et monotone, mais son petit cœur d'enfant s'était ratatiné devant cette fille qui pleurait en serrant un foulard orangé entre ses mains. Sans un mot, Jade avait allumé leur lampe, provoquant un sursaut chez Manaka, qui frotta ses yeux humides avant de la fixer sans comprendre.
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Izanami
Fanfiction[TERMINÉE] « M'aimes-tu assez pour que je sois faible avec toi ? » À l'aube d'un conflit fratricide, le Toman doit répondre à un dilemme : s'allier avec le puissant gang d'Izanami ou risquer l'anéantissement. Derrière ce nom énigmatique se cache l'A...