62 - Carapace fragile

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L'enfer est vide, tous les démons sont ici.

William Shakespeare




— ... 2005, et la pointe vers le sud.

       Le voyage temporel, la seule chose qu'il n'avait pas oubliée.

       Assis à genoux devant le luo pan des Sano, Mikey orienta le plateau dans la bonne direction, puis plaça ses mains de part et d'autre du cadran. Cet hiver. Le voyage ne serait pas aussi lointain que le premier.

       Mikey ferma les yeux et inspira profondément pour se plonger dans cet état second permettant à son esprit de basculer dans l'Univers. Faire abstraction du monde présent. Penser au Rien.

       Il ralentit son rythme cardiaque en prenant de longues inspirations comme s'il avalait le Temps. Comme si l'élément de l'Air ouvrait ses sens à cette faculté ancestrale et que les esprits des Voyageurs l'aidaient à parvenir à son but.

       Une sensation de vertige, puis lorsque Mikey rouvrit les yeux, il se retrouva au milieu d'une rue bondée de Shibuya, recouverte de neige fondue. Sans vraiment s'en rendre compte, il porta une main à sa tête, les sourcils froncés.

— Oï, Mikey, tu fous quoi ?

       Draken avait poursuivi sa marche avant de remarquer l'arrêt soudain de son chef. Mikey lui jeta un bref coup d'œil avant de consulter son portable : il était bien revenu en novembre.

— Rien, j'ai cru que j'avais un message.

       Draken le scruta quelques instants jusqu'à ce que Mikey ne le rejoigne. Les mains dans les poches, les deux amis affrontaient le vent hivernal qui s'engouffrait dans les ruelles. Il se rappela enfin de ce qu'il fichait à cette époque-là avec Draken.

— Pour ma sœur... La peluche de l'autre fois, à la salle d'arcade. Ça pourrait l'faire.

       L'anniversaire d'Emma approchait à grands pas et le grand tatoué n'avait toujours pas trouvé d'idée de cadeau. Ses yeux s'arrondirent avant qu'un doux sourire n'imprègne ses lèvres.

— C'est vrai qu'elle avait l'air de lui plaire...

— Tu vas marquer des points, j'te l'dis ! assura Mikey.

       Chahutant comme deux gamins sur le chemin, les deux adolescents papotèrent jusqu'à ce que Draken n'adresse un coup de coude à son chef.

— C'est Jade là-bas, nan ?

       Mikey plissa des yeux à la recherche de sa silhouette. En effet, il repéra la jeune fille en train de flâner dans la rue, l'air ailleurs, puis elle s'arrêta un instant pour réajuster son écharpe sur son nez rosie par le froid. Mikey et Draken s'approchèrent, lorsque soudain, une fille surgit en trombe de la ruelle voisine, les traits déformés par la colère, mais aussi la peur. Son maquillage avait coulé sur ses joues écarlates, lui conférant une apparence un peu folle qui suscita quelques regards désapprobateurs de la part des passants, ennuyés par son apparition perturbante. Une voix masculine brailla :

— MANAKA !

— Bouge, pétasse ! s'exclama-t-elle en bousculant Jade. Aïe !

— Tu t'prends pour qui ? demanda Mikey, chopant son coude alors qu'ils arrivaient à leur hauteur. Touche pas ma meuf.

— ... Ta meuf ? répéta Draken les sourcils froncés, sous les yeux ronds de Jade.

       Un ange passa.

IzanamiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant